Opeth est définitivement un groupe à part. Une étrangeté qui a su se jouer des barrières imposées par son style de prédilection, le death, pour livrer une série d’albums transcendants. Bien que chacun de ceux-ci témoignant d’une incroyable richesse, la musique livrée par Mickael Akerfeldt pourrait être efficacement décrite en quelques mots : un génie ainsi qu’une incroyable capacité à dépeindre des paysages aussi beaux qu’obscurs, un talent qu’il semble presque vain de vouloir un jour copier. Ne manquait plus à cette carrière exemplaire qu’un véritable album live, chose aujourd’hui matérialisée avec The Roundhouse Tapes.
The Roundhouse Tapes était doublement attendu. Car s’il s’agit là du premier enregistrement scénique pressé sur support disque (exception faite de la version audio du DVD Lamentations uniquement livrée en guise de bonus sur une box collector), cet album représente par ailleurs le dernier objet marqué de la participation du guitariste fondateur Peter Lindgren. Tous critères mis à part, il restait de toute façon quasi-inconcevable qu’Opeth puisse un jour livrer un produit bâclé, et The Roundhouse Tapes ne fait bien évidemment pas exception à la politique de qualité menée par les suédois depuis leurs débuts. Le concert capté dans l’acoustique de la mythique salle anglaise du Roundhouse est tout simplement sublime. Maîtrisé de bout en bout, ce double-live pourrait s’apparenter à une véritable évasion auditive comme sensorielle. Une expérience unique et sans précédant (« Under The Weeping Moon », incroyable). Opeth est habité. Opeth est la résultante d’une manifestation sombre et inconnue qui travaille l’esprit et les sentiments. En transe, l’auditeur s’envole en quelques secondes pour un voyage en apesanteur sur des terres illuminées d’un soleil noir, une échappée ponctuée alternant la violence des riffs écrasants à l’illuminante magnificence de subtiles notes virevoltants dans les moindres recoins (le réconfortant « Face Of Melinda », « Night And The Silent Water », « Windowpane »). Neuf titres aux structures subtilement alambiqués, neuf interprétations enroulées dans un habillage sonore d’exception laissant s'exprimer une incroyable palette d’émotions.
Opeth revisite son registre en y piochant l’indispensable. Qu’importe l’époque et les exigences du marché. Ghost Reveries, dernière offrande en date, ne bénéficiera d’ailleurs que d’un unique extrait (« Ghost Of Perdition »), néanmoins tout aussi inspiré. Techniquement à la pointe de la perfection, Opeth ne laisse aucune place aux fausses notes, se permettant même de modifier ses compositions à tiroirs de quelques discrètes interventions. Toute notion de temps semble définitivement et une nouvelle fois perdue, tant l’ensemble envoûte sa proie dans son irrésistible toile progressiste (les treize enivrantes minutes de « Blackwater Park »). Le chant de Mickael Akerfeldt plane sur ce terreau instrumental virtuose avec une aisance hors du commun. Virevoltant sans accroc entre un chant clair magnifique et des incartades éructées, le frontman impose sa maîtrise à travers un spectre vocal sans équivalent. Le public ne s’y trompe pas, et réserve une ovation aux moindres propos d’un Akerfeldt posé qui, loin du cliché de rock star, n’éprouve en rien le besoin d’exciter son auditoir.
The Roundhouse Tapes est l’un des plus incroyables témoignages lives de tous les temps. Sincère, parfait, incontournable. Le cadeau idéal pour patienter jusqu’au prochain enregistrement studio des suédois.
.: Tracklist :.
CD 1:
01. When
02. Ghost Of Perdition
03. Under The Weeping Moon
04. Bleak
05. Face Of Melinda
06. The Night And The Silent Water
CD 2:
01. Windowpane
02. Blackwater Park
03. Demon of the Fall