Le débat n’est pas nouveau. Près de huit ans après la sortie de sa pièce maitresse (Alive Or Just Breathing), disque qui posera dans le même temps les jalons du mouvement metalcore, Killswitch Engage peut-il véritablement apporter des éléments nouveaux au sein d’un genre embourbé depuis plusieurs années dans les solutions de facilité ? Si les précédents enregistrements du quintet américains se seront contentés de dupliquer la formule de base avec un certain savoir-faire, le groupe semblait incapable de se dédouaner de ses acquis malgré l’intégration réussie d’un nouveau vocaliste de talent en la personne de l’imposant Howard Jones. En onze compositions, Killswitch Engage témoigne à peu de choses près de la même politique de stagnation.
En batissant ses compositions sur les mêmes ossatures que ses productions antérieures, Killswitch Engage prouve en un peu moins de quarante minutes de ses capacités à dériver à l'extrême un art qu’il à lui-même contribué à imposer. Sans volonté d’expérimenter outre-mesure, les musiciens enregistrent ce que l’on pourrait être en mesure d’attendre d’eux, à savoir un disque carré et immédiatement mémorisable. Ce cinquième opus témoigne à ce titre des mêmes qualités que ces prédécesseurs, et impose une nouvelle fois la suprématie du groupe en terme de composition directe et aguicheuse. Car si l’originalité n’habite pas véritablement les morceaux de cet album éponyme, l’écriture témoigne ici d’une redoutable efficacité, chaque titre dévoilant un potentiel tubesque imposé par une ribambelle de refrains fédérateurs ainsi qu’un équilibre maitrisé des contrastes musicaux. Ni trop heavy, ni trop mélodique, Killswitch Engage a développé depuis ses débuts une incroyable propension à marier mélodies soignées et débauches d’énergies matérialisées à grands renforts de riffs acérés et entrainants (l’introduction soutenue de « Take Me Away », l’excellent « Never Again » appuyé par une certaine lourdeur d’interprétation). Mais si l’ensemble demeure plaisant, aéré et très rapidement assimilable, certaines compositions commencent à présenter un ennuyeux sentiment de déjà-vu, et dressent définitivement les barrières de la musique de Killswitch Engage. Le groupe pose ainsi pour la première fois sur bandes un chapelet de morceaux qui ne se libèrent jamais de la certification « passable » (le single « Starting Over », « Reckoning » ou encore « A Light In A Darkened World »). Un manque d’audace néanmoins en partie contenu par des schémas n’excédant pas les formats radiophoniques de rigueur ainsi que par la durée très limitée de l’opus.
En guise d’anecdotique renouveau, ce cinquième album marque cependant une légère tendance à s’engager vers une dimension mélodique encore plus prégnante, envie générale donnant naissance à quelques morceaux sortant légèrement du carcan habituel. Sans s’embourber dans l’inutilité de l’acoustique, Killswitch Engage ralentit occasionnellement ses tempos au profit d’une dimension émotionnelle plus chargée, et permet ainsi d’instaurer des ambiances plus mélancoliques et poignantes, bien que non dénuées d’électricité (« The Return », point culminant de l’album, « Take Me Away » et ses couplets habillés d’arpèges). Au delà des morceaux épiques, Killswitch Engage prouve à quelques reprises de sa capacité à composer de belles chansons habillées de lignes vocales flirtant presque avec des horizons pop-core. Bien qu’habité de la même virulence que par le passé lorsqu’il s’agit de s’orienter dans les sphères hurlées les plus arrachées (« I Would Do Anything », « The Forgotten »), le géant Howard Jones laisse son timbre clair enrouler les morceaux avec une présence grandissante. Le constat s’avère malgré tout encore positif, la rythmique soutenue et sans failles instaurée par la batterie de Justin Foley permettant à Killswitch Engage de ne jamais sombrer dans la lassitude d’une power-ballade peu inspirée. Jones conserve de plus un impressionnant talent d’alchimiste vocal, et parvient à garder intacte une réelle cohérence entre les différents registres vocaux, bien qu’aucun refrain ne se voit dépourvu de sa traditionnelle envolée dans les limbes mélodiques les plus accrocheuses (« Lost », « This Is Goodbye », « Take Me Away »).
De plus en plus présente au fil des sorties, la répétitivité dont fait preuve Killswitch Engage avec les années amène sur ce disque éponyme les premières véritables compositions dispensables de son répertoire. L’ensemble présente cependant d’indéniables qualités d’écritures ainsi que des fragments de pistes de travail intéressantes pour l’avenir, mais manque la certification d’excellente au profit d’une simple mention bien. Ce qui en terme de Metalcore représente déjà un petit exploit, d’autant plus face à l’épuisement actuel du genre.
.: Tracklist :.
01. Never Again
02. Starting Over
03. The Forgotten
04. Reckoning
05. The Returns
06. A Light in a Darkened World
07. Take Me Away
08. I Would Do Anything
09. Save Me
10. Lost
11. This Is Goodbye