La scène metal américaine n'aura pas été bien longtemps orpheline de l'un de ses fers de lance. Démantelée à la suite d'un Digimortal qui n'avait pas fait l'unanimité, Fear Factory se reforme à la suite d'une courte tournée avant d'annoncer son entrée en studio afin d'ajouter un septième opus à une discographie désormais culte. Débarqué dans les rayons des disquaires au cours de l'année 2004 et suite à quelques disques fourre-tout compilé par Roadrunner, Archetype marquera un tournant décisif dans la carrière du groupe.
Si l'usine reprend bien ses terrifiantes activités, la mise en marche des machines laisse néanmoins échapper un gros boulon prétendu essentiel. Cet important rouage porte le nom de Dino Cazares, guitariste fondateur et compositeur principal, qui ne ré-intègrera pas le rang suite à ses houleuses disputes avec Burton C. Bell. Un épineux problème pour les Américains qui prennent la décision de confier la six-corde à Christian Olde Wolbers, qui laisse donc la place de bassiste à l'imposant colosse Byron Stroud (Strapping Yound Lab), musicien rodé à l'enregistrement ainsi qu'à l'art de la scène. Le pari était audacieux, mais sera au final relevé haut la main grâce au talent de composition de Olde Wolbers, qui parvient à accoucher de douze compositions (la dernière étant une reprise musclée du « School » de Nirvana) à classer parmi les plus grandes réussites de Fear Factory. Probablement auparavant occulté au profit des idées de Cazares, le désormais guitariste laisse enfin jaillir ses envies et construit ses instrumentations sur les modèles qui ont fait le succès de la formation. Exit donc les expérimentions opérées sur l'inégal Digimortal, le quartet revient à des bases plus brutes, qui bien que toujours schématiquement similaires, adoptent de nouveau un son de guitare bien tranchant qui remet enfin au gout du jour les enchaînements riffs acérés (le ravageur « Slave Labor » d'ouverture, « Bonescraper » ou encore le premier single « Cyberwaste », pourtant l'une des chanson au potentiel commercial le plus faible). Puissant et hautement jouissif, ce retour à des sonorités nettement plus primaires laisse donc sur la touche les envahissants claviers de l'album précédent, même si ceux-ci viendront néanmoins marquer de leur discrète présence quelques morceaux (« Corporate Cloning », qui traite du thème récurrent chez Fear Factory, « Human Shields »). L'ambiance générale se veut donc nettement moins futuriste que par le passé, mais la présence moins marquée des éléments électroniques permet par la même occasion de supprimer l'aspect froid amené par l'utilisation abusive de ce genre d'instruments.
Mais le grand gagnant de cette reformation reste indiscutablement l'impressionnant Raymond Herrera, qui retrouve avec ce nouvel album des terrains de jeux totalement appropriés à sa rapidité d'exécution. Appuyant avec insistance les accords cisaillés de Olde Wolbers, celui-ci impose une nouvelle fois sa maîtrise violemment inspirée des fûts, usant de sa double-pédale et de breaks redoutables sans hésitation (l'introduction martelée de « Act Of God »). Malgré ce retour aux sources, le penchant mélodique de Fear Factory n'est pas totalement oublié et viendra se matérialiser en particulier à travers le chant caméléon impeccable de Burton C. Bell. Comme toujours très à l'aise dans les deux domaines, le frontman exprime de nouveau une très nette préférence pour les grosses tirades rauques et arrachées, mais ne supprime pas pour autant le chant clair de son impressionnant registre, puisque celui-ci interviendra sur une grande majorité de refrains (« Archetype », « Drones »). La ballade synthétique pompeuse ne trouve heureusement pas sa place dans la tracklist, Archetype intégrant néanmoins trois compositions plus mid-tempos qui ne seront sans doute pas au goût de tous (« Bite The Hand Thats Bleeds », « Ascension » ainsi qu'un « Human Shiels » au cours duquel Bell atteint des hauteurs qui témoignent d'impressionnants progrès).
Le come-back reste toujours un passage difficile pour tout groupe qui décide de remonter sur scène après quelques années d'inactivité. S'il n'égale pas le chef d’œuvre ultime Demanufacture, ce cinquième opus n'en reste pas moins très bon. Burton avait déclaré dans le DVD Digital Connectivity que Dino était leur président, il faut croire que tout président est un jour amené à quitter son trône.
.: Tracklist :.
01. Slave Labor
02. Cyberwaste
03. Act Of God
04. Drones
05. Archetype
06. Corporate Cloning
07. Bite The Hand That Bleeds
08. Undercurrent
09. Default Judgement
10. Bonescraper
11. Human Shields
12. Ascension
13. School