Witch Cult Today est l’exemple même du produit auquel l’individu lambda n’accordera guère plus de quelques secondes. Artwork innommable proche des productions vinyles underground datées de la fin des seventies et titres à peine lisibles, Electric Wizard ne met presque volontairement aucune chance de son côté. Le groupe persiste pourtant dans le milieu depuis une bonne quinzaine d’années et possède déjà à son actif cinq productions tout aussi obscures. Car passé outre la pochette hideuse, les quatre anglais en ont sous le capot.
Mais avant de se délecter pleinement de la musique d’Electric Wizard, le groupe dresse un second barrage en adoptant un son absolument dégueulasse. Witch Cult Today témoigne en effet d’une production brouillonne au possible mais pleinement assumée, radicalement opposée aux standard boostés à l’adrénaline chiés par centaine chaque année par l’industrie américaine. Les quatre compères ont posé sur bandes leur dernier rejeton stoner à l’aide de matériel datant des années 70, désireux de coller au plus près à l’esprit amateur de leurs inspirations, cinéma de série B en tête. Résultat : ce Witch Cult Today s’apparente d’avantage à un suicide commercial qu’autre chose et demandera un certain effort d’écoute, voire rebutera en à peine quelques accords. Car Electric Wizard cultive un pur esprit vintage, s’approchant dans ses compositions d’un rock’n’roll primaire exécuté avec les moyens du bord par une bande de rednecks paumés dans le trou du cul américain. Une odeur de marijuana et de marginalisation plane délicieusement sur Witch Cult Today, trip sous LSD halluciné ultra-planant qui se contrefout des exigences du marché. Seulement huit titres au compteur, pour un disque qui revendique pleinement ce que fut le principe du rock aux commencements : la liberté. Celle que l’on pouvait ressentir en matant en boucle le classique Easy Rider. Electric Wizard balance sur ce disque une série de très bons morceaux teintés d’occultisme comme il pourrait les jouer dans un bar miteux, de façon live et sans détour, sans artifice ni effet inutile sur les parties de guitares, mais avec toutes ses tripes (« Satanic Rites Of Dragula », un « Dunwich » à la formule simple mais pleinement efficace).
Les riffs poisseux s’enquillent avec une lourdeur hautement répétitive, encastrés dans des lignes de basse que la production ne permettra pas de dissocier et qui ne feront en l’occurrence absolument rien pour. Electric Wizard accouche en effet d’un ensemble compact et fusionnel aux rythmiques presque asthmatiques, un tissu instrumental gras baigné dans l’alcool frelaté qui dévie à l’occasion vers le mysticisme le plus obscur d’un doom minimaliste (les deux mouvements de « Black Magic Rituals & Perversions », « Raptus ») ou laisse échapper du solo d’inspiration purement texane (le très bon « The Chosen Few »). Des échappées lentes et quasi-dénuées de technicité, mais qui se greffent à merveille à l’ambiance old-school de Witch Cult Today. Le chant suintant de Justin Oborn survole les ossatures instrumentales comme si le bougre se trouvait à deux-cent mètres de son auditeur. Les lignes vocales semblent résonner comme si l’on était situé dans le pire recoin de ce bar à l’acoustique déplorable, ce qui ne contribuera que grandement à cet étrange sentiment d’évasion sous acides (« Ounwich », « Torquemada ‘71 »). Witch Cult Today est un disque d'une autre époque, un témoignage livré avec les moyens du bord mais qui témoigne par ailleurs d'un immense talent de composition tant chaque composition s'avère excellente.
Witch Cult Today se profile comme une vision différente de la musique rock. Un horizon de libertés, paysage dépouillé d’industrialisation et du stress des mégalopoles. Une alternative d’évasion qui ne touchera probablement pas grand monde, mais qui ravira probablement les quelques rares conquis qui s’engageront dans les traces d’Electric Wizard.
.: Tracklist :.
01. Witchcult Today
02. Dunwich
03. Satanic Rites of Drugula
04. Raptus
05. The Chosen Few
06. Torquemada '71
07. Black Magic Rituals And Perversions
01) Frisson des Vampires
02) Zora
08. Saturnine