Cradle Of Filth pouvait-il amorcer un retour du côté le plus obscur de la force ? Les anciens aficionados n’en cultivaient plus guère l’espoir suite à un Thornography qui malgré une audacieuse volonté d’évolution n’avait pas su trouver son public. Concept album articulé autour de la sanglante histoire du baron Gilles de Rais, plus connu sous le nom de Barbe Bleue, Gospeed On The Devil’s Thunder était annoncé comme un album plus sombre et violent, la troupe de Dani Filth ayant donné un avant goût de ses envies musicales du moment sur l’EP intégré à la ré-édition de Thornography. Nouveau changement de line-up, nouvelle donne, Cradle Of Filth n’a pourtant jamais sonné aussi « ancien ».
Oubliées les tentatives thrashisantes et les envolées en chant clair d’un Dani Filth à la voix fluette. Gospeed On The Devil’s Thunder amorce un véritable bond en arrière, s’inscrivant dans la directe continuité de Midian. Au concept ténébreux répondent des instrumentations résolument sombres, sur lesquelles Cradle Of Filth affiche de nouveau un raffinent prononcé pour les embardées symphoniques marquées. Assistés tout comme sur l’opus précédent de Mark Newby-Robson, le groupe ponctue ses étendues instrumentales de claviers grandiloquents, de cuivres aux tonalités graves et puissantes ainsi que de chœurs mystiques, ré-attribuant à sa musique une dimension grand-guignol oubliée sur les deux précédents opus (l’interlude « Tiefauges », l’efficace single « Honey And Sulphur » et « The 13th Caesar », hymne de l’album). La composante suffit à adjoindre à Godspeed On The Devil’s Thunder ce que Cradle Of Filth semblait avoir oublié ces dernières années : une véritable ambiance. Un fait d’autant plus appréciable que les musiciens équilibrent l’aspect symphonique avec brio, évitant de sombrer dans des travers pompeux induits par une sur-utilisation de ces éléments. Car Cradle Of Filth affiche également le souhait de revenir vers des terrains plus black-metal de par sa section instrumentale, usant pour ce faire d’un riffing ultra-efficace. Détachés des envies thrash de Thornography, les plans de guitares se montrent plus variés, Paul Allender présentant une plus grande aisance à zigzaguer dans les horizons sombres et plombés. Le format des morceaux s’en ressent irrémédiablement, la formation étendant ses terrains de jeux sans pour autant amener répétition et lassitude au sein de son vocabulaire musical (le très bon « Midnight Shadows Crawl To Darken Counsel With Life », plus de huit minutes au compteur).
Si Godpeed On The Devil’s Thunder se fait une nouvelle fois le représentant d’un black nettement plus accessible que la moyenne, le désormais quartet a néanmoins revu la violence à la hausse. En opposition aux symphonies épiques, la section rythmique répond d’une verve sans précédent dans l’histoire de Cradle Of Filth. Le nouveau venu Martin Skaroupka insuffle aux instrumentations une rythmique furibonde, usant de ses toms ainsi que de la double-pédale avec un entrain bien plus dynamique que son prédécesseur (le furieux « Shat Out Of Hell », « Godspeed On The Devil’s Thunder »). En accord avec les instrumentations, le frontman Dani Filth a lui aussi légèrement revu ses lignes de chant. Sans en changer profondément l’esprit, ce dernier ne s’aventure plus dans des tiraillements clairs, inapropriés au vu de la teneur instrumentale de Godspeed On The The Devil’s Thunder, et retrouve les intonations si spécifiques de toujours. Entre grognements puissants et montées suraiguës écorchées quasi-nasillardes, Filth habille les instrumentations d’une performance à la hauteur des gloires passées, couchant même sur bandes une bonne série de refrains particulièrement entêtants (« The 13th Caesar », « Tragic Kingdom »). Cradle Of Filth n’échappe malheureusement pas à la faute de goût, les musiciens se fourvoyant dans un mid-tempo détestable aux accents quasi-pop (le long et pénible « The Death Of Love », qui ravive le souvenir de l'épouvantable « Nymphetamine »), mais l’erreur demeure cependant isolée et minimisée par la redoutable cohérence dont fait par ailleurs preuve l’album.
Si Thornography n’avait rien d’un mauvais album malgré son contenu déstabilisent, Godspeed On The Devil’s Thunder affiche une ré-orientation musicale presque inespérée. Mort et enterré pour certains, Cradle Of Filth renaît pour s’enfoncer de nouveau dans les tréfonds infernaux les plus passionnants.
.: Tracklist :.
01. In Grandeur And Frankincense Devilment Stirs
02. Shat Out Of Hell
03. The Death Of Love
04. The 13th Caesar
05. Tiffauges
06. Tragic Kingdom
07. Sweetest Maleficia
08. Honey And Sulphur
09. Midnight Shadows Crawl To Darken Counsel With Life
10. Darkness Incarnate
11. Ten Leagues Beneath Contempt
12. Godspeed On The Devil's Thunder
13. Corpseflower