Un temps rattaché à la nouvelle scène labélisée Emo, Coheed And Cambria s’est pourtant toujours détaché de tous clichés afin de privilégier un univers propre et foncièrement original. Majoritairement extrait de l’imaginaire débordant de son leader Claudio Sanchez, ce dernier se tisse progressivement autour de concepts-albums posés en jalons à l’histoire contée par le musicien dans une série de comics connus sous le nom de The Amory Wars. La méconnaissance du penchant dessiné de Coheed And Cambria –personnages principaux du récit – n’entache cependant en rien l’appréciation de sa musique, évolutive et remarquablement bien construite. Articulé sous la forme d’une préquelle, Year Of The Black Rainbow est un enregistrement assez différenciable de ses prédécesseurs, mais non moins remarquable.
Enroulés autour de canevas complexes et foisonnants, les précédents travaux de Coheed And Cambria s’habillaient d’une facette progressive marquée au fer rouge, parfois propice à la création de morceaux chapitrés aux structures mutantes. Etrangement, la formation aborde aujourd’hui ce cinquième opus avec une simplicité d’écriture inédite, Year Of The Black Rainbow représentant l’œuvre la plus accessible de la discographie des Américains. Si l’ensemble ne sombre à aucun moment dans une facilité purement mercantile, l’album décontenance de prime abord par des constructions plus communes, le quatuor s’étant ici concentré sur une formule linéaire qui évite plus volontiers détours, rebonds et autres chemins de travers d’ordinaire inhérents à la musique du groupe. Partiellement détachée de ses entournures expérimentales, la musique de Coheed And Cambria gagne en lisibilité ce qu’elle abandonne en variété. Lien de cause à effet inévitable, la composition se montre de ce fait moins chargée et désormais plus encline à s’orienter vers des incartades atmosphériques plus présentes et travaillées (le très bon « The Far », « The Black Rainbow »). Mélodique à souhait, Year Of The Black Rainbow impose des ambiances soignées et atmosphériques, bardées d’éléments électroniques et synthétiques. Si ce désir d’aérer les structures à intervalles réguliers accentue assurément le côté radio-friendly, il n’est parallèlement pas étranger à une plus grande profondeur émotive. En témoignent quelques pépites à fleur de peau, baignées d’une atmosphère sombre et tiraillée (l’impressionnant « Pearl Of The Stars »).
Songwriter d’exception, Claudio Sanchez n’amène cet aspect qu’afin de laisser évoluer son travail vers une meilleure fluidité d’écoute. Coheed And Cambria reste avant tout tourné vers les échappées électriques et explosives, et conserve cette remarquable aisance à marier les sons les plus dynamiques à une sensibilité bien personnelle. Electrons libres zigzaguant constamment entre crissements aigues, non avares en solos décoiffants et riffs appuyés, les guitares saturent les canevas et s’accordent à des tempos qui ne mollissent en rien (le redoutable « The Broken », « Guns Of Summer », « World Of Lines »). Catchy, rebondissant, le travail du quintet opère une synthèse finement ciselée de rock, pop, metal et émo sur laquelle vient galoper le chant haut perché d’un Claudio Sanchez inspiré. Eternel rêveur et artiste au potentiel créatif débridé, le frontman chevelu virevolte sur les instrumentations, signant au passage un impressionnant chapelet de refrains justes et percutants (« Here We Are Juggernaut », « This Shattered Symphony »).
Moins fouillé que ses prédécesseurs, Year Of The Black Rainbow puise son essence dans une efficacité encore décuplée. Un excellent album, regorgeant d’hymnes aux contours fédérateurs. Reste pour Coheed And Cambria à se tailler une place plus marquée sur les marchés étrangers.
.: Tracklist :.
01. One
02. The Broken
03. Guns Of Summer
04. Here We Are Juggernaut
05. Far
06. This Shattered Symphony
07. World Of Lines
08. Made Out Of Nothing (All That I Am)
09. Pearl Of the Stars
10. In The Flame Of Error
11. When Skeletons Live
12. The Black Rainbow