Vieux briscards de la scène hardcore – Brandan Schieppati officiait à ses débuts au sein d’Eighteen Visions – les musiciens de Bleeding Through s’étaient brusquement vus propulsés sur le devant de la scène au début de la décennie, avènement du phénomène metalcore aidant. Certes un brin opportuniste sur certains aspects, la formation se démarquait cependant par une meilleure gestion des éléments radio-friendly, utilisés avec une meilleure parcimonie que les flots soutenus de clones émergeants de ci et là. Le très bon The Truth n’aura pourtant pas suffit à installer le groupe en indispensable, ce dernier ayant retrouvé les rayonnages avec un discret Declaration, qui évacuait pourtant encore plus sévèrement les réminiscences mélodiques du passé. Un énième changement de label plus tard, le sextet inscrit son sixième effort dans une volonté de brutalité toujours grandissante, cet éponyme se plaçant dans le direct prolongement de son prédécesseur.
Bleeding Through travaille vite. Pas le temps de tergiverser, le combo enchaine les enregistrements sans véritablement prendre le temps de risquer une quelconque complexification de sa musique. En résulte un disque ultra-spontané, qui se complait dans un tricotage permanant de riffs acérés qui avoinent avec une insistante brutalité. Le sextet sert une formule certes bien connue, mais redoutable d’efficacité : Bleeding Through bastonne dans tous les recoins, et use d’une saturation aiguisée comme une lame de rasoir pour écrabouiller de manière frontale et continue. A peine dédouané de la traditionnelle introduction sombre et symphonique (« A Resurrection »), Bleeding Through brutalise avec frénésie et sans se soucier véritablement des schémas en vigueur dans le milieu. Là ou The Truth laissait parfois échapper quelques constructions calibrées à l’extrême, ce sixième opus privilégie en premier lieu puissance et efficacité, la formation ne laissant ses inspirations mélodiques émerger qu’aux entournures. Et encore. Bleeding Through use et abuse d’une double-pédale qui atomise littéralement des canevas surchargées, dégueulants de solos plaqués avec une fureur épileptique. Les guitares volent dans tous les sens, enquillant parfois deux embardées acrobatiques l’une sur l’autre (« Fifteen Minutes », « Drag Me To The Ocean »). Si cette technicité accrue laisse parfois place à une démonstration pure et simple, l’ensemble se conjugue parfaitement à la rapidité générale des compositions, et en dédoublent la rage. Bien que Hardcore dans l’âme, Bleeding Through lorgne à ces heures perdues vers des passades thrashisantes qui diversifient les terrains de jeu, sans jamais nuire à la cohérence de l’album.
Revers de médaille, le déferlement de violence est parfois si massif et enivrant que les embardées et contours mélodiques peinent à véritablement s’imposer (« Distortion, Devotion », piètre conclusion). Si les claviers amènent une certaine touche d’originalité aux structures, force est de constater que les instrumentations fonctionnent tambour battant en l’absence de ces derniers. Si l’habillage s’avère un brin superflu, il n’insuffle parallèlement rien de véritablement gênant dans l’écriture, bien que les teintes black-metal symphonique (« Your Abandonment ») légèrement plus marquées que par le passé tranchent parfois très nettement avec l’obédience Hardcore dont témoigne Bleeding Through. Brandan Schieppati reprend néanmoins la bourrasque de violence incessante à son compte, et ne lorgne qu’à de très rares occasions vers un chant clair parfois bancal (« Salvation Never Found »). Impeccable dans un registre hurlé à décoller le papier-peint, le frontman présente de plus nettes carences à s’affranchir de refrains hauts perchés particulièrement marquants, bien que certaines tentatives trouvent malgré tout une place clairement adaptée (l’excellent « Divide The Armies »). Rien de regrettable dans cette quasi-absence de relents téléphonés, tant Schieppati excelle dans ses tirades survoltées (« Anti-Hero », « This Time Nothing Is Sacred ») qui collent à merveille à la tempête de riffs et de rythmiques furibondes posées sur bandes par ses comparses.
Si cet opus éponyme s’avère loin de la perfection, il déboulonne suffisamment les esprits pour s’imposer en défouloir quatre étoiles. Bleeding Through joue avec les tripes et le pied constamment enfoncé sur la pédale, et fustige allégrement expérimentations et inutile complexité au profit d’un déballage bien velu de saturation. Salvateur.
.: Tracklist :.
01. A Resurrection
02. Anti-Hero
03. Your Abandonment
04. Fifteen Minutes
05. Salvation Never Found
06. Breathing in the Wrath
07. This Time Nothing is Sacred
08. Divide the Armies
09. Drag Me to the Ocean
10. Light My Eyes
11. Slow Your Roll
12. Distortion, Devotion