Difficile d’évoquer le rock du début des années 2000 sans y associer le nom de la Team Nowhere. Débarqués de nulle part, un collectif de musiciens aussi bien influencés par le metal made in US que par le hip-hop aura permis au mouvement néo de véritablement exploser en France, quelques années après son apparition outre-atlantique. Parallèlement aux productions de Mass Hysteria ou encore Watcha, les groupes Nowhere auront envahis les rayonnages en à peine plus de quelques mois, supportés par des structures qui encouragées par le carton commercial de l’Episode 2 : Medecine Cake de Pleymo n’hésiteront plus à parier sur des groupes aux instrumentations (doucement) saturées. Dissolu suite aux défections successives de Pleymo et Wünjo, le collectif laissera néanmoins sa trace dans les mémoires en ayant grandement aidé à la démocratisation de musiques moins conventionnelles que les ribambelles de pseudo-artistes d’ordinaire défendus par les médias. Ce Best-Of CD / DVD marquera donc l’ultime témoignage publié sous la bannière de la team Nowhere.
Et pour un cadeau d’adieu, les musiciens de chez Nowhere n’ont pas fait les choses à moitié. Si l’objet s’est fait attendre, le résultat de ces longs mois de travail est aujourd’hui là : un contenu de qualité, mais surtout un package bourré jusqu’aux limites des supports qu’il renferme. Que l’on soit adepte convaincu des groupes estampillés Nowhere ou éternel nostalgique souhaitant se rappeler au bon souvenir de cette période mouvementée du rock Français, ce condensé de la carrière des productions du collectif remplit tous les objectifs. En guise de pièce maîtresse de ce best-of, le concert explosif donné au Furia Sound Festival 2006 proposerait presque un voyage vers le passé, le collectif ayant principalement basé sa set-list sur les morceaux qui auront fait sa renommée. treize titres jumpy et sans prétentions artistiques démesurées (dont un enchaînement « Un Nouvel Orage » / « Hardcore Version Dancefloor » ultra-efficace), mais qui prennent tout leur sens une fois passés le cap de la scène, chose dont les musiciens de Nowhere s’acquittent de plus avec une indiscutable maîtrise. Globalement plus critiquées, les dernières productions de chaque groupe sont ainsi mises à l’écart. Chaque formation ne retiendra qu'un chapelet de trois compositions bien corsées, dont les inévitables « United Nowhere » et « Blöhm » de Pleymo ou encore le virulent « Street Trash » d’Enhancer, qui ouvre le bal dans une orgie de flows entremêlées. Motivant.
Loin de se limiter à une simple sélection de titres représentatifs des premières années, les groupes ont également montés leur prestation en amenant au premier plan un véritable esprit de collectif. Les musiciens ne se cantonnent donc pas à leurs formations, et ce melting-pot ne laisse bien souvent que deux ou trois membres de chaque groupe intervenir sur leurs propres productions. Seuls les chanteurs restent rattachés à leurs titres, ceux-ci intervenant néanmoins de façon massive chez les collègues. Ce choix osé qui témoignera des nombreuses années d’amitié et de collaboration au sein du collectif n’a de plus aucune incidence sur le bon enchaînement des compositions, et permettra par ailleurs d’accorder un dynamisme indiscutable aux morceaux balancés sur scène sans aucun temps mort (« Hot », boosté par un triplé de batteurs). Relativement décevant sur album, Vegastar témoigne même d’un punch inédit (le titre « La Faille », sur lequel Franklin partage le chant avec Nitro d’Enhancer, est particulièrement entraînant), énergie que l’on imagine gommée par la production de son disque Un Nouvel Orage. Plus engagés dans leurs propos et n’usant que de très peu de phrasé hip-hop, les trop sous-estimés Wünjo signent pour leur part et avec l’aide de musiciens d’Enhancer et Pleymo le meilleur morceau de la prestation avec une restranscription de « La Firme » puissante et fédératrice. Un véritable hit qui ne pourra que faire regretter la disparition du quintet parisien, extrait sur lequel Aurélien greffe de plus un solo old-school décoiffant et surprenant.
Malgré le nombre impressionnant de musiciens se succédant sur scène, le concert ne souffre d’absolument aucun problème technique, David Gitlis (Enhancer) assurant le lien entre chaque titre. Un professionnalisme qui trouve son explication dans le documentaire résumant les deux semaines de répétitions assurées au préalable au Trabendo de Paris. S’il éclaire sur les coulisses de cette réunion, celui-ci s’avère néanmoins moins intéressant que le film d’archives de près d’une heure proposé en bonus. Une nouvelle fois traversé par les commentaires de David Gitlis, le documentaire présente les faits de manière chronologique, revenant en détail sur la création ainsi que les premiers mois de la Team Nowhere. L’occasion de découvrir une mine d’images inédites, dont quelques passages en concerts des malheureusement oubliés Noisy Fate (qui contenait dans ses rangs Franklin de Vegastar et Olivier de Lazy) ainsi que du AqME de la première heure, bien éloigné de ce que le quartet composera par la suite. Mais ces cinquante minutes permettent surtout et une nouvelle fois de constater à quel point les différentes formations semblaient unies, cette bande de musiciens tous plus dreadlockés les uns que les autres partageant aussi bien la scène que leurs moments de loisirs.
Ce Best-Of est donc une excellente surprise, qu’il s’agisse du live ou encore du documentaire sur l’histoire de Nowhere. Malgré les années, le succès et les inévitables critiques, force est de constater que Enhancer, Noisy Fate, AqME, Pleymo, Wünjo et plus tard Vegastar auront fait avancer les choses en France, permettant à bon nombre d’adolescent des années 2000 de découvrir des horizons musicaux jusque içi ignorés du grand public. Et si le petit mouvement Nowhere d’origine deviendra rapidement un véritable raz de marée, celui-ci n’avait rien de prémédité par les pontes de l’industrie discographique. Juste une histoire de potes qui deviendra l’histoire d’une génération.
.: Tracklist :.
01. Street Trash
02. Tank Club
03. La Faille
04. DTG
05. Cinglés
06. Un Nouvel Orage / Hardcore Version Dancefloor
07. Blöhm
08. La firme
09. Hot / Kongen
10. 100e étage
11. Projet Fonzde Ganja
12. La TN'O Lover
13. United Nowhere