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Interview Tagada Jones – Concert-anniversaire du 17 Mai à Rennes !

20 ans qu’ils tournent. A Rennes, tout le monde les connait, ailleurs aussi, depuis le temps. Pour cette occasion, les Tagada se sont produits dans la salle de l’Etage à Rennes, le même soir que Patrick Bruel. Autant dire que j’ai eu du mal à choisir entre les deux, et que j’ai pas dû être le seul… Et puis je me suis dit que Patrick, je le verrai quand je serai prêt. Je pense être trop jeune pour cerner toute sa splendeur artistique… Sinon plus sérieusement, j’ai profité du beau temps et du beau line-up de cette soirée (Punish Yourself et Dagoba) pour rencontrer Niko et lui poser quelques questions sur un bout de leur vie…

 

Et si on commençait par les présentations? Soyons conventionnel (j’aime bien et c’est facile)
Notre musique c’est pas que du punk, disons que c’est un crossover de rock français de punk et quelques aspects « metal » à gauche à droite. C’est assez métissant, le liant c’est la voix qui le signe de distinction de Tagada. On est dans la grande famille du rock c’est sûr, mais oui peut-être plus proche du punk quand même.

C’est le côté engagé du groupe qui nous rapproche de ça, mais c’est assez arbitraire dans le sens où moi je trouve que la plupart des groupes manquent un peu d’engagement. J’ai l’impression d’être dans les derniers mohicans engagés. Trouvé des groupes engagés, même dans la grande famille du rock et du metal, c’est encore plus rare évidemment que dans le punk. Donc je crois qu’il y a beaucoup de ça qui nous inscrit dans ce mouvement, le côté engagé des paroles. Si on s’arrêtait à la structure pure de la musique, comme je le disais tout à l’heure, on fait du gros rock.
 
Le punk, c’est forcément une musique engagée pour toi par essence ?
Oui, du moins historiquement ça l’est. Après, dans les années 90 y’a eu d’autres mouvements qui n’avaient rien d’engagé, ce qu’on appelle le « punk à roulettes ». C’était plus la déconne, c’était une autre vague, très déconne plutôt qu’engagement pur et dur, plus à l’anglaise quoi. La musique peut être séparée de l’engagement, mais c’est beaucoup moins inscrit dans une démarche punk, qui est avant tout un mouvement engagé avant d’être aussi musical.

Autrement je pense que l’engagement politique ça ne doit pas venir d’un membre dans un collectif, mais vraiment de soi. Si on est un groupe engagé, c’est qu’à la base on l’est tous personnellement, ce serait difficile de fonctionner autrement, spécialement dans un groupe qui joue à la base d’un style engagé. Après, si un jour tout va bien et qu’on a plus de raison de crier, ça nous empêchera pas de continuer à jouer. Mais je vois mal une situation où tout va bien arriver rapidement, et je crois que ça n’a rien à voir avec le pessimisme ou la simple envie de vouloir critiquer.
 
Est-ce que tu penses que l’aspect engagé de Tagada a changé par rapport à il y a 20 ans ?
Oui et non. On a toujours été fervent défenseurs des libertés en général et nos paroles tournent vraiment toujours autour de ça. Y’a pas de grosses différences sur le fond et la forme. Le combat est toujours identique, même si évidemment les brimades des libertés est parfois aujourd’hui plus complexe qu’avant. Notre terreau est de plus en plus fertile, il y a toujours matière. La différence par rapport à il y a 20 ans, c’est qu’on a fait ça tout seul et qu’évidemment, si on est encore là aujourd’hui, c’est qu’on touche de plus en plus de monde.

On a pas été à l’abri des paradoxes dans notre parcours. Le plus gros selon moi, c’était quand on a pris la décision de mettre nos disques dans la grande distribution. La question c’était de décider si on pouvait vivre de notre musique parce qu’on atteignait une situation où il fallait choisir entre continuer comme on le faisait, c’est-à-dire en activité secondaire, ou alors essayer de pouvoir ne faire que ça. Il fallait que le groupe soit un peu plus connu pour ça. Et c’est là qu’on a fait notre plus grand « écart » vis-à-vis de nos idéaux. On est né dans une société qui ne nous correspond pas, mais on peut pas nier qu’on vit dedans non plus. On essaye de faire du mieux possible sur nos idéaux, mais il a fallu qu’on utilise des vecteurs qui sont un peu en décalages avec ça pour pouvoir ne faire que de la musique.
 
La différence entre les années 90 et aujourd’hui en matière de diffusion, que ce soit de la musique ou de l’information pour Tagada ?
Evidemment c’est Internet. L’analyse que j’en ai, dans l’ensemble je trouve ça très bien. Le téléchargement j’ai rien contre. Internet c’est une fausse vitrine d’information. Techniquement, et encore que, tout le monde peut avoir accès à la musique, à des informations etc. Mais l’un comme l’autre, le problème c’est que ce sont toujours les mêmes qui sont écoutés. Les gros deviennent encore plus gros, et les petits encore plus petits.

Je m’explique, je suis formateur en musique, je travaille aux jeunes charrues etc. Des jeunes groupes qui sortent du lot aujourd’hui il y en a très très peu. Mais par contre ceux que je vois, c’est vraiment de la qualité. La qualité augmente nettement. Là où je veux en venir c’est que finalement malgré ce qu’on croit d’internet, toute l’information ne vient pas à toi. Celle qui te vient c’est celle issue d’algorithmes à finalité commerciale etc., comme pour les autres médias finalement, c’est une démarche commerciale. Pour accéder à l’information, il faut que ce soit toi qui sache où aller. La musique sur Internet déroge pas à la règle. Les petits n’arrivent pas à s’en sortir.

Le pire ça doit être Facebook ! à la base c’est un site censé te permettre de voir ce que disent tes « amis » et les pages que tu suis, mais finalement au fur et à mesure de l’évolution de Facebook, tu dois bien le savoir, les publications mises en avant sur ton fil d’actualité sont sélectionnées en fonction des résultats obtenus par des algorithmes qui déterminent si oui ou non telle ou telle publication génère de l’argent ou de la fédération ou pas. Donc les petits groupes qui démarrent leur page Facebook, apriori ils n’ont rien à donner à Facebook, donc leurs publications et leur visibilité seront écrasées jusqu’à ce qu’ils aient du succès. Facebook veut tout cadrer, tout sectoriser et tout ça pour amasser du pognon. Ils veulent vendre du référencement ou générer de l’argent par ceux qui arriveraient à être vus sans aides, ils veulent pas que l’information explose dans tous les sens.

Nous on est la preuve flagrante de ça, on a réussi à se faire connaitre comme ça aussi sans rien, parce qu’une page Facebook ou un site Internet, c’est inutile pour ceux qui commencent. On le voit bien à travers dans la différence entre notre page Facebook, qui est relativement bien suivie, et nos comptes privés : nos potes voient direct ce qu’on poste sur la page de Tagada, mais dès qu’on passe entre comptes privés, on peine à voir nos publications mutuellement. Des potes à moi qui postent des trucs sur des sorties, des concerts à Rennes, je ne les vois même pas !
 
Donc, on peut dire que « c’était mieux avant » ?
Non je pense pas, je pense qu’aujourd’hui c’est plus compliqué. Pour nous, ça a été possible sans rien, aujourd’hui sans rien c’est faire de la promotion sur Internet, quand on a rien, c’est encore plus compliqué qu’avant. Nous le premier prêt qu’on a fait c’était pas pour se payer une campagne de pub, mais pour se payer un camion et pouvoir tourner ! Parce que localement ça marche toujours, mais passer le cap c’est difficile. Les aides, les subventions sont aussi locales, donc une collectivité ne va même pas pouvoir faire venir un groupe qui habite qu’à 200 km plus loin. Les groupes ont du mal à sortir de chez eux. Avant il y avait des réseaux différents, plus de petites assos, d’indépendants et surtout plus de petits bars qui pouvaient faire jouer des groupes.

Aujourd’hui, il ya tellement de procédures administratives, de mises aux normes de l’insonorisation, de déclaration etc., que la moitié de ce réseau-là, surtout les bars, est mort ! Et les politiques culturelles n’ont pas vraiment cherché à aider ces réseaux-là à franchir ces caps qui leur ont été imposés. J’ai vu ça à Rennes. Quand on a créé le collectif pour créer le jardin moderne, on essayait de créer ça autour du développement des pratiques amateurs. On s’est très vite heurté à un truc, le statut d’amateur en musique n’existe pas. Et aujourd’hui ça n’existe toujours pas donc c’est très compliqué. T’es obligé de tout déclarer. C’est assez injuste au regard des autres pratiques amateurs reconnues comme le foot, on ne trouve pas de justification satisfaisante à cette différence.
 
Un dernier mot ? Pour votre concert des 20 ans ?
C’était notre idée de faire un anniversaire. On l’avait déjà fait à Rennes pour notre 1000ème concert (ndlr : ah oui quand même) ici à Rennes en 2007. C’était un super souvenir. Y’avait besoin de marquer ça un peu, non pas pour tourner la page, mais pour rester dans le concret justement. C’est pour pouvoir nous en rappeler toute notre vie et ne pas oublier. Et ça marche, tous nos potes ici nous parlent encore de notre concert-anniversaire de 2007. Nos potes comme nos fans, les équipes techniques, on revient à l’esprit de famille. On a eu énormément de retours positifs de cette date-là alors ça nous a donné envie de recommencer.
 
Encore un dernier mot ?
Bah, comme je le dis toujours, merci à toi, à Vacarm et à tous les gens motivés pour s’interroger et défendre la musique dans son ensemble, y compris la musique alternative et la musique dure, c’est bien de pouvoir et de vouloir en parler, ça change ! Plein de petits médias, pour moi ça compte autant qu’un « gros », et qu’il faut se rappeler qu’on a tous été petit à un moment avant de commencer 🙂

 

Crédits Photo © Yann Levy
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