Avec The Sixth Aspiration Museum Overview, IDEM a couché sur bandes une œuvre novatrice, sur laquelle le groupe n’hésite jamais à se remettre à question et à explorer des horizons nouveaux. A l’image de l’authenticité et de l’intégrité de la musique de sa formation, c’est un Baz disponible et accueillant qui s’est longuement plié au traditionnel jeu du question-réponse. Entretien avec le batteur de l’un des groupes les plus en marges et passionnants de la scène Française.
BEN : The Sixth Aspiration Museum Overview est disponible depuis le mois d’octobre. Quels ont été les retours concernant ce nouvel album ?
Baz (batterie – programmation) : Par rapport à nos précédentes productions, c’est sur ce disque qu’on a eu les meilleurs retours. L’album a notamment été très bien soutenu par le web, avec près d’une soixantaine de chroniques. Il a également bénéficié d’une certaine visibilité dans la presse ainsi que sur les radios. A ce niveau, IDEM reste quand même cantonné aux indépendants, mais des morceaux ont été intégré jusqu’au mois de décembre dans certaines playlists, plus particulièrement sur les radios du réseau Ferarock. C’était assez inattendu. Le morceau qui a été programmé était « E.C.O.W. », une composition avec le chant de Pitch. Un groupe comme IDEM est à la base entièrement instrumental, on compose de la musique assez décalée, peut-être pas accessible à tout le monde, donc on ne s’attendait vraiment pas à être diffusé en radios. IDEM partait quasiment de rien, donc on a été relativement étonnés par les retours, mais probablement que beaucoup de groupes ne se contenteraient pas de ces quelques diffusions sur les ondes (rires). Mais on a constatés une mise en avant plus marquée, ce qui peu aussi être inhérent au fait d’intégrer l’écurie Jarring Effects. Rien que le nom du label peut permettre de fédérer un certain public.
Et d’amener un certain prestige aux formations de leur catalogue…
Je sais pas si c’est du prestige, ce qui est certain c’est qu’être parmi leurs artistes ouvre des portes. On a fait quelques concerts sur Lyon, là ou est installé le label. Humainement, il se passe quelque chose avec les gens qui travaillent dans la structure, c’est important. Jarring Effects croit en la musique d’IDEM, et j’espère que le groupe va pouvoir faire un bout de chemin à leurs côtés.
Finalement, cette signature ne relevait pas véritablement de la surprise pour ceux qui connaissaient bien les précédents albums d’IDEM. Comment le groupe a-t-il été amené à intégrer les rangs du label ?
On insistait depuis très longtemps (rires). C’était une petite fierté d’enfin intégrer ce genre de label. C’est un indépendant, ils ont des soucis comme tout le monde, et ca devient de plus en plus difficile de sortir des disques. Signer IDEM, ce n’était pas vraiment un pari sur l’avenir, puisque ce n’est pas un groupe qui va vendre des disques par cartons. Tu ne sors pas un disque d’IDEM avec les mêmes facilités qu’in album de High Tone ou EZ3kiel, donc on était vraiment heureux qu’ils prennent le risque. On verra bien ce qu’il se passera par la suite, c’est tellement instable avec la situation actuelle qu’il est difficile de prévoir quoi que ce soit… Jarring Effects bénéficie d’une bonne notoriété, mais c’est quand même un indépendant, ca reste incertain pour tout le monde. En ce qui concerne IDEM, on ne veut pas faire de concessions avec notre musique, la situation est de ce fait relativement difficile.
The Sixth Aspiration Museum Overview témoigne d’une orientation musicale plus rock que ses prédécesseurs. Comment a-t-il été composé ?
Ce disque a une histoire bien particulière. A l’époque, nous avons sortis une trilogie : deux maxis comprenant des remixes, ainsi qu’un véritable album central. Nous avons donc publiés trois disques en deux ans, mais le label à mis la clé sous la porte. Comme Zenzile, nous nous sommes retrouvés sans structure… Ca nous a plombés. A la sortie d’Out Timer, nous avons donc eu une très grosse période de remise en question sur nous et notre musique. IDEM a tout le temps composé dans une optique « live » plus qu’en réfléchissant sur l’idée d’un album. Nous avons donc essayés de travailler différemment pour le nouveau disque, nous avons arrêtés la scène pour vraiment nous concentrer sur The Sixth Aspiration Museum Overview. La composition s’est déroulée sur près d’une année, forcément l’album à pris une orientation musicale inédite. Nous avons eu la chance de bénéficier d’un studio à St Sébastien, près de Nantes. C’était à disposition en permanence, donc nous avons pu mettre en place diverses sessions d’enregistrement, tout en répétant et en continuant à composer entre ces dernières. C’est la première fois qu’IDEM travaille dans l’optique de faire un disque complet et cohérent. Il est moins long, plus rock et moins alambiqué, mais tout a été fait très naturellement. Il faut également noter le fait que Pitch intervient de façon plus marquée désormais, et qu’elle a une culture nettement plus rock. Elle était chanteuse dans un groupe de Punk.
Comment Pitch a-r-elle été amenée à travailler avec IDEM, alors que vous n’aviez jamais eu de présence vocale « fixe » auparavant ?
C’était une rencontre de studio, c’est chez elle que nous enregistrons. Au moment du premier album, elle était sur place, et nous avions un morceau qui manquait d’un petit quelque chose. Elle a posée sa voix dessus, et au fil du temps et des disques elle intervenait de plus en plus sur nos compositions. Pour The Sixth Aspiration Museum Overview, elle a définitivement intégrée IDEM, et elle nous accompagne désormais sur tous les concerts.
Poser une voix sur vos instrumentations, c’était une envie de départ ?
Absolument pas. C’est le fruit du hasard et des rencontres. A l’origine, lorsque nous étions amenés à utiliser des voix, on les intégraient directement dans les machines. Avec Pitch, nous avons vraiment pris conscience du côté vivant de la chose, de ce que cette présence vocale pouvait apporter en concert. Pitch a un timbre de voix que nous apprécions beaucoup, assez grave, en totale adéquation avec notre musique. Nos morceaux sont assez sombres, il fallait trouver un chant qui puisse correctement retranscrire ces sentiments. Ses textes et ses variations de voix embellissent nos étendues sonores.
Son chant est assez rauque, à la limite de l’androgynie.
Tout à fait. Ce qu’elle enregistre avec IDEM colle à ce que nous cherchions, ce que nous souhaitons dégager par le biais de notre musique.
Ce processus d’écriture sera désormais la façon pour IDEM de travailler sur ses prochaines sorties ?
Je pense. Nous n’avons pas encore entamés la composition pour notre prochain opus. Nous terminons la tournée, puis nous allons travailler sur un concept nouveau avec un groupe Nantais du nom de Bong Bong. La ville a construit un Zénith, et la mairie fait jouer des groupes Nantais dans cette salle, avec un tarif d’entrée très attractif. L’objectif est de permettre aux petites formations régionales de se produire dans une salle d’envergure. Nous avons donc présentés un concept avec Bong Bon pour ce Zénith, notamment avec deux batteries, et tout s’est très bien déroulé. Nous avons donc montés ce projet, que nous allons travailler par session de dix jours dans deux autres salles à la rentrée. Le Florida d’Agen et La Péniche à Chalon sur Saône nous parrainent dans cette entreprise. Nous allons écrire des nouveaux morceaux, que nous composons en commun. Et si tout va bien, nous irons défendre ce projet sur les routes.
Une sortie est à l’ordre du jour concernant cette collaboration ?
Pour l’instant non, mais nous ne fermons pas les portes. Mais c’est quelque chose que nous souhaitons inscrire sur le long terme, puisque nous aimerions partir en Asie pour présenter ce spectacle. La mairie devrait nous aider par le biais d’un système d’échange avec l’étranger. C’est d’ailleurs comme ca que nous avons pu jouer au Canada. Mais pour l’instant, nous callons surtout les dates en France, qui commencerons après les deux résidences de septembre. Entre temps, nous retrouvons Vuneny pour quinze jours dans les Balkans. Nous avons déjà joués là bas avec deux groupes de Paris, donc nous partons en terrain connu (rires).
Comment se sont déroulées ces quelques dates ?
Très bien. C’est tellement différent… Les gens n’ont rien, mais depuis plusieurs années des efforts sont fait afin que tout le monde puisse accéder à la culture. La majorité des concerts sont gratuits, nous avons vendus des disques à 2 €. Il y avait beaucoup de monde, techniquement c’était parfois difficile, mais nous avons été extrêmement bien accueillis. Nous avons pu constater les ravages de la guerre, les cimetières plus grands qu’une ville, les murs encore criblés de balle. Et pourtant, ca fait plus de vingt ans maintenant… Certains endroits ne peuvent pas être rénovés à cause des mines, l’état n’a pas d’argent pour faire le nécessaire. Pour l’anecdote, nous avons d’ailleurs été arrêtés par la police suite à des pluies torrentielles. L’eau avait fait tomber les mines de la montagne sur la route ! Et nous étions le premier véhicule à qui la police interdisait l’accès au chemin… Lors de notre concert à Mostar, la Turquie a gagnée contre la Croatie. Nous avons eu droit aux mitraillettes et au tirs de mortier toute la nuit. Nous sommes arrivés en Slovénie, la ville était en feu… Ca laisse des souvenirs marquants.
C’est au cours de cette tournée que vous avez rencontrés Vuneny ?
Oui, à Sarajevo. C’était vraiment le fruit du hasard. Nous nous sommes rencontrés par le biais d’une personne qui s’occupe de faire tourner des groupes des Balkans en France. Lorsque nous avons écoutés V2, nous avons été scotchés.
Est-ce que cela à influencé leur signature sur Jarring Effects ?
Pas du tout, le label avait déjà repéré le groupe à l’occasion d’une précédente tournée dans les Balkans. Ils avaient déjà fait quatre dates avec High Tone, et apparemment Vuneny avait forte impression sur les gens de Jarring Effects. Le label a de toute façon une écoute très attentive sur les formations qui émergent dans les Balkans. Notre tournée commune était plus un hasard de nos calendriers respectifs. Ils sont très bons, et humainement le courant passait très bien. Nous avons d’ailleurs également montés un set commun avec Vuneny à l’occasion d’une date à Arras. Pour nos concerts dans les Balkans, nous serons sans doute amenés à travailler certaines compositions avec eux, peut-être à proposer des choses inédites…
IDEM a également développée une dimension visuelle très présente pour son spectacle. Financièrement, c’est encore quelque chose qui demeure difficile à mettre en place en France ?
Il faut être imaginatif pour tout faire avec trois bouts de ficelle, et surtout être épaulés par des personnes passionnées qui se débrouillent très bien en Informatique. C'est notre cas avec Bruno, notre ingénieur son, et Welcom, le guitariste d'IDEM. Nous avons eu quelques problèmes de technique, qui ont notamment nécessités la création d’un logiciel pour rendre le spectacle possible. Ils ont travaillé six mois dessus ! La dernière interrogations était de pouvoir bénéficier de deux sources vidéos en même temps. Malgré les nombreuses nuits blanches, nous avons eu quelques plantages, mais c’est du très beau travail.
Le show intègre également des extraits de longs-métrages inconnus et oubliés…
Oui, c’est Welcom et Steph, notre ingé-lights, qui dénichent des vieux films. Steph a une très bonne collection, et elle a une idée très précise des vidéos à utiliser, en adéquation avec notre musique et ses lumières. IDEM, ce n’est pas seulement les personnes qui jouent sur scène, c’est une petite famille.
Beaucoup de groupes évoquent de véritables difficultés à tourner, est-ce quelque chose que ressent IDEM ?
Malheureusement, oui. Mais notre musique est difficile d’accès… Nous venons de terminer une cinquantaine de dates, et nous avons pu constater qu’avec la situation actuelle, les assos étaient quasiment au bord de la rupture. Les grosses salles peuvent encore se permettre de perdre de l’argent en programment des groupes indés, mais elles sont de moins en moins nombreuses. Ca devient impossible pour les formations en voie de développement, ca va devenir de plus en plus problématique. C’est dommage, car nous avons une scène très intéressante et diversifiée.