En pleine tournée depuis le printemps, les Hurlements d’Léo étaient de passage à Paris avant leur concert à la Maroquinerie, histoire de défendre leur dernier album, Bordel de Luxe. Ils nous ont donné leurs avis sur cet album, l’industrie de la musique et leur perception du métier d’artiste. Rencontre !
Comment se passe la composition ?
Vous avez des places clairement définies ou chacun propose ses idées, participe aux lignes de chant, change d’instrument ?
Sur l’écriture, on a privilégié le côté collégial sur cet album. Dans l’interprétation aussi. On a quatre chants vraiment leads sur certains titres, dans le souci de renforcer cette vision de groupe et de sortir des chemins tracés un peu du chanteur unique. Il y a eu une certaine intelligence de la part des anciens et nouveaux : les anciens de se sortir du jeu pour que les nouveaux abattent leurs cartes et en discuter. Le ronron peut s’installer à force de travailler avec les gens, comme dans une vie de couple, ça se patine et ce qu’on fait avec cette personne ne fait plus fantasmer, plus de surprise ou plus d’envie de voir ce qu’elle apporte. Là cette matière neuve est excitante et intéressante pour présenter autre chose. Le travail de composition est excitant dans ce sens là aussi !
Vous vous définissez comme un groupe de rock alternatif, vous êtes signés chez Ladilafé, avez-vous toujours le même regard désabusé sur les majors et l’industrie lourde de la musique ?
Pat’ (Patricia Bonnetaud ndla) de Ladilafé est venue vers nous avec des projets, des idéaux une façon de faire. Les artistes avec qui Ladilafé bosse sont des artistes que nous respectons. Une maison de disque avec que des compils et des gens avec qui on va être associé et qu’on ne peut pas supporter, c’est dur d’y souscrire et de défendre un discours revendicatif qu’eux n’ont pas.
On a été confronté à une équipe qui nous a séduit par cette implication : « tout est possible, on va y arriver, la montagne on va la monter ensemble ». Volonté d’être indépendant, petite structure. On a été séduit par cette façon de vouloir travailler.
Pour le côté alternatif, on a toujours travaillé de façon indépendante en travaillant nos albums et en allant voir ensuite les gens pour le distribuer. Sauf pour cet album qui est entre le contrat d’artiste et le bon procédé. C’est la raison pour laquelle on a aussi accepté de signer chez Ladilafé pour cette aventure.
Ca n’est pas pour autant nouveau pour nous puisque nous étions signés chez Irfan auparavant. Avec Ladilafé, il y a vraiment une inscription dans la tribu, le feeling qu’on a, le marché du disque, la vision de la scène. C’est bien que quelqu’un comme Patricia centralise ça et ait une vision de l’engagement artistique et humaniste.
Vous avez un droit de regard sur les lieux où vous jouez, les prix des places, toutes les décisions importantes ?
On n’est pas confronté à toutes les décisions dans la mesure où on travaille avec des gens à qui nous faisons confiance. On est au courant de tout si on prend la peine de lire ce qu’on nous envoie. Chez nous la politique c’est qui ne dit mot consent. On est déjà huit musiciens, une vingtaine avec le label à travailler en réseau. On donne notre avis et on a toujours travaillé comme ça. On a la possibilité de s’impliquer vraiment ou pas mais on peut le faire dans les grandes décisions. Le tourneur sait que ça nous intéresse de jouer le moins cher possible tout en étant payé avec toutes les contraintes ! Des fois, on doit faire un concert cher, mais on préfère éviter.
Idem pour les festivals, on fait confiance. Quand il y a des projets qui nous intéressent, on propose, on est force de suggestion pour des copains ou des assos.
Quel est votre sentiment du média internet ?
C’est un relais. On ne peut pas faire comme si le web n’existait pas. Ça reste du média de proximité. Après c’est de l’ordre de la politesse. A partir du moment où des gens prennent la peine de te recevoir pour te laisser un espace d’expression, tant que tu ne dois pas lui dévoiler tous tes petits secrets mais rester dans ta vie professionnelle, ce serait indélicat de dire, « on s’en tape un peu ». Défendre ce que le groupe veut défendre.Tu prends la perche et c’est bien ! Je trouve ça aussi intéressant que d’avoir un article sur un magazine.
« mange ce qu’on te donne, quand on te le donne »
Sur la route, vous vous sentez vivant ?
Complètement. C’est la base du groupe, de pas mal de groupes. C’est notre moteur. Les disques c’est un pretexte.
Comment s’est passé l’intégration, le changement, les arrivés les départs ?
c’est un truc dont on nous reparle souvent. Ca me lasse presque d’en reparler, ça fait trois ans maintenant ! Ca fait partie de la vie du groupe. Ils ont été intégrés au cours d’une tournée en Russie. Au retour ils faisaient partie du groupe et il y a eu l’envie d’écrire l’album Bordel de Luxe. A partir du moment où il a été écrit, ce qu’il y a derrière c’est de l’ordre du souvenir, du bon souvenir. A partir de l’instant où le disque sort, on est en train d’écrire quelque chose ensemble. Se projeter en arrière pour dire c’était mieux comme ça ne nous fait pas avancer.
Vous n’avez pas le sentiment de vous être quelque part lié à vie en créant une famille, une entité, un signe de reconnaissance ?
Au dela du côté familial, de tourner ensemble, nous resterons clairement de supers amis. Comme tout groupe il y a une entité à un moment donné et on partage des choses fortes ensemble. Evidemment c’est un peu comme une tribu qui se développe à l’instant donné. Il y a toujours ce que le groupe véhicule, ce sur quoi on s’est mis d’accord, quoi défendre, le prix des places. Après chacun d’entre nous a ses particularités, sa personnalité et l’exerce quand il sort du groupe. On n’est pas une bande de « hippies ». On vie chacun de nos côtés quand la tournée se termine. On fait des choses, ce qui nous permet d’avoir la tête sur les épaules. Quand tu retrouves la meute, ça permet d’être à ta place et pas te demander ce que tu viens y faire ou ce que tu défends. Le parcours qu’on a eu nous a permis de prendre conscience de ça. T’es pas juste membre d’un groupe, t’es quelqu’un à part entière. Tu prétends quand tu quittes la meute à faire ce que tu veux, ce que tu le sens sans utiliser ce faire valoir qui n’en est pas un. La gloriole de ces années, c’est rien du tout, c’est du vent. L’essentiel c’est de faire ta musique comme tu l’entends avec des copains et pas des collègues de travail
Vous avez la même vision des tournées que les Ogres de Barback ? A savoir au dela d’un public, avoir un moyen de rencontrer les copains, de retrouver des endroits où on a été ?
Retrouver les copains, découvrir de nouveaux endroits, c’est bien. Indéniablement on va croiser des gens qu’on aime, qu’on respecte. Mais c’est aussi l’idée de défendre un projet artistique. On est obligé de sortir un album tous les 2-3 ans pour faire une tournée mais au dela de ça il y a un projet artistique à défendre, avec des chansons, des arrangements. C’est pas juste une grosse colonie de vacances. Il y a quelques enjeux et envies derrière de notre part !
vous avez jeté une oreille sur le dernier album des Ogres ?
Quelques chansons. C’est les Ogres ! C’est un bon album, de beaux textes, c’est les Ogres, leur patte ! Il est agréable à entendre sans être surprenant.
Aussi, les bootleg qui ont été faits récemment, notamment avec NTM. C’est pas mal ! C’est fun, ils se marrent à le faire. Ils ont un délire, ils enregistrent le mettent en ligne c’est sympa !
Un sujet dont vous aimeriez parler ? Un point de vue sur l’actualité ?
On ne nous demande jamais si on est heureux. On est obligé de l’être, parce qu’on on est musicien, parce qu’on c’est forcément fun. Un tourbus, des meufs, de la bière. Mais au final on ne nous pose jamais la question. Je trouve ça con.
question de rattrapage : les hurlements d’léo, un groupe heureux ?
Le groupe est heureux ! Est-ce que tous les individus le sont, vaste débat !
La suite dans la prochaine interview !
Photos : Ugo Schimizzi
Plus d’informations sur les Hurlements d’Léo :
http://www.hurlements.com/
Plus d’informations sur Ladilafé :
http://www.ladilafeprod.com/