Parce qu’il privilégie une qualité musicale tout en créant des chansons qui plaisent au plus grand nombre, Robin Leduc illustre brillamment son style dans son nouvel album Hors-Pistes, aux confins de nombreux univers musicaux et culturels, et avec pour dénominateur commun un amour de l’écriture et des orchestrations colorées réussies. Il nous livre ses impressions sur la création de cet album et ses origines, mais aussi sur l’avenir, que nous ne voyons pas pour lui, autrement que doré.
Pour nos lecteurs qui ne te connaissent pas encore, pourrais-tu décrire ton univers musical?
Ce sont des chansons en français, avec pas mal d’influences diverses. Il y a un vrai parti pris en tout cas en termes de production et de son, il y a pas mal de cuivres qui amènent un peu de couleur… Deux titres en particulier ont des sonorités afro-beat, presque rumba congolaise ou musique des caraïbes… le reste est pour moi quelque chose de pop, folk, un peu Rock avec des influences certaines des sixties. C’est un disque de chansons personnelles, avec une vraie mise en avant de la musique.
Tu brasses un éventail assez large de styles au final, est-ce une volonté d’inclure toutes les musiques que tu aimes ou bien de toucher un public le plus large possible?
Franchement, il n’y a pas de volonté de toucher un public plus large. Les influences, ont les digère ou pas, et ça finit par être assimilé ou pas… Ça reste très personnel, et je me dis très rapidement lorsqu’il y a une chanson en cours vers quoi j’ai envie d’orienter le morceau, ce sont des challenges que j’ai envie de m’imposer avec tel ou tel résultat à la fin, mais je ne me dis jamais que c’est pour toucher tel ou tel public… Je n’ai pas la prétention de toucher un public afro-beat avec « Laissez-moi passer » par exemple, c’est plus suggéré qu’autre chose. C’est plus de la suggestion qu’un concept en fait.
Justement, pour rester sur ces influences en particulier, tu as passé une partie de ton enfance en Afrique, qu’est-ce que tu as ramené musicalement de là-bas?
Je ne sais pas si j’en ai ramené grand chose d’une manière concrète car j’étais encore tout petit. Mais je pense que c’est une période où l’on assimile beaucoup de choses inconsciemment. Chez moi on a toujours écouté de la musique africaine, du Fela Kuti ou des choses comme ça… donc je suis assez fan de la musique africaine en général même si j’ai plutôt une culture Rock Indé. J’ai un vrai rapport à l’Afrique du fait d’y avoir vécu, et puis j’y suis retourné et c’est clair que j’ai un amour pour ce continent.
Il y a des sections de cuivres importantes sur cet album, d’où te vient cette attirance pour ce monde jazzy?
Ça vient d’une autre musique afro-américaine, la soul des 60’s, qui contenait beaucoup d’arrangements orchestraux, que ce soient des cuivres ou des cordes, et même de la musique du style des Ethiopiques, ce jazz-blues éthiopien où il y a beaucoup de cuivres… il y avait ce désir d’avoir ces couleurs données par le cuivres. J’avais aussi envie d’avoir plus de cordes mais c’était compliqué à réaliser et ma priorité est allée aux cuivres.
Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur la façon dont s’est passée l’enregistrement de l’album?
On a passé une semaine à La Fabrique dont on voit la vidéo sur le myspace, pour enregistrer quelques basse-batterie, et surtout la section des cuivres, qui était un peu l’évènement majeur de cette semaine d’enregistrement. J’ai collaboré pour les cuivres avec Fred Pallem du Sacre Du Tympan qui a transcendé ces sections, arrangé à sa sauce… Mais la grosse partie de l’enregistrement s’est faite ensuite, dans un studio qui s’appelle Garage, à Paris, dans une pièce où j’ai ramené beaucoup de matos de mon studio, et pendant ce temps là Dominique Ledudal commençait à mixer les pistes…
Tu t’es une nouvelle fois entouré des musiciens des Pacemakers pour cet album…
Oui, ils ont participé au disque. Au départ j’avais beaucoup envie de l’enregistrer avec eux entièrement et de s’enfermer pendant deux mois dans mon studio, mais ça n’a finalement pas été possible car tout le monde était occupé à droite à gauche. Au début, c’était Robin Leduc & The Pacemakers, mais c’était plus les Pacemakers tout court, en fait. Aujourd’hui il n’y a plus vraiment d’entité Pacemakers, et puis malheureusement, à part Cyrus Hordé qui continue à jouer avec moi sur scène, les autres ne sont plus tous là, notamment Jean Thévenin, le batteur, qui a un peu arrêté de tourner… j’en suis très triste mais c’est la vie!
C’est pour cette raison que tu as abouti sur un projet solo entouré de musiciens?
Le projet s’est transformé solo car j’ai un studio et je n’avais pas envie de dépendre des uns et des autres pour avancer sur mes trucs… donc j’en ai profité par exemple, pour faire une batterie quand j’avais envie de faire une batterie… et pour l’album, j’ai eu la chance de pouvoir faire appel à d’autres musiciens qui ont pu faire mieux que ce que moi j’avais fait. A un moment je me suis dit, j’avance seul, et je m’entoure un peu des Pacemakers, et un peu des autres.
Tu as longtemps écrit en anglais pour passer au français, selon toi grâce à des albums de JP Nataf ou Dominique A…
Oui, disons que j’ai toujours plus ou moins écrit des choses en français, mais j’en étais jamais vraiment content, je n’arrivais pas à trouver l’angle qui me plaisait, et par rapport à mes influences, c’était beaucoup plus facile d’écrire en anglais. Et à moment, je me suis dit que ma langue maternelle était le français et des disques français ont été déclencheurs pour moi. Je me suis dit que l’on pouvait faire des choses personnelles en français avec à l’intérieur des influences…
Ça ne t’empêchera pas de revenir à l’anglais un jour?
J’y pense souvent, parce que j’ai plein de frustrations par rapport à l’anglais. J’espère y revenir à un moment mais ce n’est pas évident. Ce que je trouve souvent un peu dommage, mais sans méchanceté pour les autres car j’ai plein de potes qui ont des projets en anglais, ce sont les textes en anglais… je pense que beaucoup de gens, et moi le premier, reçoivent l’anglais par la mélodie et la sonorité des mots et pas par le sens, et parfois quand on creuse un peu, on a des surprises! Mais bon après si on prend les Beatles, par exemple, les paroles étaient parfois un peu creuses mais l’impact mélodique est tellement fort… J’ai un grand attachement à l’écriture, c’est pour cela que je suis assez fan de Leonard Cohen ou Bob Dylan… finalement, l’anglais n’est pas simple, contrairement à ce que l’on pourrait croire.
Cet album contient beaucoup de titres efficaces qui plairont au plus grand nombre, ne crains-tu pas un peu à terme la classification de ta musique dans la catégorie «Variétés»?
Si, un peu, ma culture est clairement Rock Indé, pop indé, anti-folk même…pendant longtemps j’ai passé mes soirées à aller voir des groupes Indés new-yorkais… Moi mes influences au départ, c’était plutôt Daniel Johnston et Eliott Smith qu’autre chose. Je ne pense pas aujourd’hui que, puisqu’on parlait d’eux avant, JP Nataf ou Dominique A soient mis dans des cases «Variétés»… Moi ça fait quinze ans que je fais de la musique, du studio et j’ai toujours essayé de ne pas faire de la «Variétés».
Pendant ta tournée, tu vas jouer sur certaines dates en première partie de Camélia Jordana, compte-tenu de ton background musical et du fait qu’elle est arrivée en haut de l’affiche alors qu’elle est encore toute jeune, n’est-ce pas un peu frustrant?
Non, pas du tout. J’ai quasiment huit ans de plus qu’elle et ça fait un moment que je travaille, mais elle a su s’entourer, faire un disque très bien, réussi, où beaucoup de pointures ont écrit pour elle… Je trouve qu’elle chante bien et qu’elle est sympa en plus. Donc, non il n’y a pas de frustration!
Est-ce qu’il y a des artistes en particulier avec qui tu aimerais travailler à l’avenir?
Oui, il y en a pas mal, là j’ai des choses en cours plutôt sympa, même si je ne peux pas trop en parler pour l’instant. Je serais ravi par exemple de travailler avec La Fiancée, ou d’autres artistes plus confirmés, comme JP Nataf avec qui j’adorerais collaborer, Mathieu Boggaerts ou Dick Annegarn, même s’ils n’ont pas forcément besoin de moi!
Il se dégage de ton album une ambiance très calme, posée. Est-ce parce que tu es comme ça dans la vie?
Bah tant mieux! Souvent les gens me disent tu as l’air calme… mais non, je ne suis pas du tout comme ça dans la vie! Je suis plutôt l’inverse, speed et énervé tout le temps! (rires) J’essaie de me calmer en écrivant des chansons justement!
Tu chantes dans cet album ton besoin d’une «dose de moral ». Qu’est-ce qui te donnes cette dose de moral dans la vie de tous les jours?
Découvrir un bon disque, la musique d’une manière générale a un côté jouissif… après il y a plein de choses qui te donnent la banane, l’amour entre autres…
Que peut-on te souhaiter de bien pour cette fin d’année et l’année prochaine?
Qu’il y ait une chanson ou deux qui existent toujours de manière radiophonique, car c’est un bon moyen d’exister aujourd’hui… en dehors du live et d’internet évidemment. Je serais ravi que cela puisse continuer en 2011, que l’on ait encore plus de concerts qu’en 2010, et que les retours soient positifs sur l’album!
Un grand merci à Robin pour sa disponibilité et sa gentillesse.
Merci à Amélie (Tôt ou Tard) qui nous a permis de réaliser cette interview.
Interview et photos: Julien Peschaux pour Vacarm.net