Cap'tain Planet : Comment décririez-vous à un néophyte ce qu'est le dub ?
Le dub est né en JA donc issu du reggae. Les faces B des versions étaient souvent l'occasion pour les deejays de s'essayer sur les riddims et d'enflammer le dancehall. Les premiers à avoir « historiquement » mixé dub sont King tubby et Lee perry the upsetter. L'echo, la reverb et autre phasing étaient les effets les plus à même de produire ces fameux sounds. Après l'indépendance de la Jamaïque, beaucoup d'immigrants arrivèrent en Angleterre. Le UK dub, avec comme père fondateur Zulu Jah Shaka, se forgea une identité et demeure à l'heure actuelle la plus forte communauté européenne avec une réelle culture sound system.
C : Existe-il un public adéquat et particulier à votre style musical ?
C'est très varié et ce n'est qu'un regard personnel après les concerts. Le public va de 18 à 45 ans et issu de milieux bien différents. Les plus jeunes ont connu le dub récemment et y retrouve des vibes proches des free parties. Une autre clientèle est amatrice de reggae et suit cette évolution en France. Le côté electro c'est encore une autre histoire ! Bref il est bien difficile de cerner !
C : Parlons de vous, peux-tu nous éclairer sur votre univers ?
Nous vivons tous à la campagne donc notre univers est plutôt serein et calme. J'apprécie particulièrement de vivre à la campagne et de ne pas avoir à supporter la pollution, le bruit, les embouteillages… Après LÖBE RADIANT DUB SYSTEM est un groupe donc une entité avec quatre personnes aux goûts bien différents et variés qui vont du metal/hardcore pour Xavier (drums), à la pop electro pour benoît (bass) en passant par le rap et la pop pour Philippe qui joue de la guitare. Je suis le seul à être uniquement passionné de reggae & dub. Le groupe existe depuis 96 avec des changements de formation mais désormais elle est stable depuis début 2000 et nous composons tous ensemble. Il faut bien entendu faire des compromis et chacun apporte sa petite touche.
C : Quelles émotions essayez-vous de faire passer à l'auditeur ?
On ne maîtrise pas ses propres émotions ou si peu alors essayer d'en faire passer reste assez hasardeux. En tous cas si notre musique apporte un peu de plaisir et de voyage aux auditeurs, nous sommes ravis.
C : Le dub est une musique de studio, qu'est ce qui diffère pour vous entre la scène et le studio ?
On essaie de proposer des versions différentes afin que l'on ne se retrouve pas à écouter un CD en concert ! Le studio est l'occasion d'être pointilleux sur tous les sons, leurs placements, les effets… On dispose de beaucoup plus de temps alors que le live est instantané, c'est une photo à un moment donné. Notre live évolue régulièrement pour ne pas être lassé des titres que nous jouons.
C : Quel type de relation cherchez-vous à établir avec votre public ? Est-ce que cette relation diffère entre la scène et l'album ?
Une relation de proximité faute de trouver meilleur mot je dirais. Nous ne sommes pas des extra-terrestres ! Notre musique est faite pour être partagée par le plus grand nombre. Un album demeure donc il faut tenir compte de ce paramètre et se dire que l'on puisse l'écouter dans 10 ans serait un gage de qualité… En live, c'est un plaisir de communiquer avec le public.
C : La scène dub française est originale, on parle souvent de « phénomène français », êtes-vous en accord avec cela ?
Uhm ! bon c'est une pirouette de journaliste ! Certes on voit des groupes évoluer dans des sphères connues mais de là à parler de phénomène ! C'est davantage un état d'esprit commun à tous ces groupes. Le fait de proposer un réel live dub avec basse, batterie, guitare, keyboards…peut-être ? Mais Lee Perry joue en live ! Par contre il est vrai que la quinzaine de groupes évoluant dans une sphère musicale commune a créé une émulation.
C : Qu'est ce qui fait la force de la scène française selon vous ?
Alors là ??? Sa force est aussi son talon d'Achille : sa diversité ! On ne peut pas dire que tel ou tel groupe sonne français dans la « scène » dub alors qu'un UK dub band ou sound est reconnaissable immédiatement. Ils ont su créer un son, une identité reconnaissable entre mille. Le dub anglais est une référence par exemple.
C : Comment expliquez-vous le fait que chaque groupe de dub même s'il est associé à cette appellation sonne d'une façon tout à fait différente d'un autre ? (la musique d'High Tone ne ressemble pas du tout à celle d'Improvisators Dub ou d'Ez3kiel alors que dans le rock ou le punk on retrouve des similitudes entre chaque groupe …)
On retrouve aussi des bases communes dans cette « scène » : une batterie chaloupée, la basse lourde et qui descend dans les fréquences graves… C'est une assise sur laquelle tout se greffe : electro, guitare, instruments ethniques, voix…Par contre il est vrai qu'entre, comme tu le dis, High tone et Ezekiel il n'y a pas grand-chose à voir. La majorité des gens évoluant dans ces groupes viennent d'une culture rock, seuls des projets tels Improvisators dub, Junior Cony, Sism-X ou Kanka évoluent réellement dans un dub assez proche des foundations. Le mot « dub » reste une « facilité de langage » !
C: Comment voyez-vous évoluer le dub français dans le futur ?
Le original dub a 50 années et il est intemporel ! Le faire évoluer relève d'une montagne à déplacer ! Pour le « dub français », je ne suis pas prophète et je ne sais pas trop… Il faut réaliser.On ne peut occulter l'incroyable parcours de la musique dub/reggae : une petite île comme JA a une influence considérable sur l'histoire de la musique. C'est la genèse d'un peuple : une musique populaire, venue de la rue, contestataire, porteuse d'un message de paix, de spiritualité… L'Afrique berceau de la civilisation, l'esclavage…
C : Pensez-vous qu'une exportation à grande échelle du dub soit possible ?
Si les maisons de disques et les distributeurs le veulent… La qualité ne fait aucun doute mais être distribué et jouer à l'étranger demeurent intimement liés. Sans distribution difficile d'aller faire la promotion de ton album à l'étranger. Cela arrive de temps en temps mais cela reste ponctuel et plus un travail de réseaux entre amis.
C : Préféreriez-vous que les jeunes filles du premier rang pleurent ou s'évanouissent en vous voyant ?
Je préfère qu'elles soient irie ! Le reggae et le dub ne sont pas uniquement « entertainment », c'est aussi porteur d'un message d'unité, de tolérance, de respect avec des vraies valeurs positives.