Révélation pop-folk de la rentrée 2008, Felipecha était de passage à Bordeaux afin de présenter son premier album De Fil en Aiguille. Suite à un petit retard sur l’emploi du temps initial en raison de nombreux soucis techniques lors des balances, l’interview se fait en compagnie du représentant local du magazine Chorus. Naturel, à l’image de sa musique, le duo s’est prêté avec attention au traditionnel jeu des questions-réponses.
BEN : De Fil en Aiguille, c’était une manière d’évoquer en quelques mots le chemin parcouru jusqu’ici ?
Felipe : Tout à fait. On s’est rencontrés à l’orée du 21ème siècle, à la Faculté. Charlotte était en cours avec un ami, elle avait déjà une très belle voix. A l’époque déjà, personne n’était insensible à autant de grâce (rires). J’ai donc eu la chance de lui proposer un guitare-voix au fond d’un jardin. C’était un lendemain de soirée, j’avais ma guitare sur place. L’histoire de Felipecha à commencée comme ca, sous un pommier en Normandie. Le concept était simple : faire de jolies chansons. Charlotte avait déjà des projets musicaux, moi aussi, mais on a continués plusieurs années à fonctionner ainsi, en parallèle de nos études et par la suite de nos métiers. En 2005, on a rencontrés Manu, qui joue de la guitare et qui a enregistré l’album. On a donc maquettés plusieurs morceaux, qui nous ont permis de passer les étapes. Nous avons très rapidement trouvés une manageuse, puis un éditeur.
Toutes ces étapes se sont déroulées sur sept années…
Oui, mais nous n’avions pas vraiment de projection professionnelle. Pour Charlotte, le projet Wax Tailor à de plus débuté en 2004. A l’origine, c’était vraiment pour le plaisir d’écrire des textes.
Charlotte : Avant de rencontrer Emmanuel, on ne s’était pas trop posés la question.
Chorus : Vous veniez d’univers musicaux très différents ?
Felipe : Plus ou moins, mais nous avons beaucoup de références communes.
Charlotte : Felipe aime beaucoup le son rock Français. Moi je suis très pop-rock Anglo-Saxon. J’aimais beaucoup son groupe de l’époque.
Felipe : « Le fou, la poule » (rires).
Charlotte : Ses textes me faisaient déjà voyager. Il y a eu une « admiration » commune dès le départ, et tout c’est déroulé naturellement par la suite.
Quelles ont été vos formations musicales ?
Felipe : J’ai commencé enfant, au conservatoire. Je jouais de la trompette. Mais j’ai toujours abordé la musique comme un loisir. Ma culture musicale venait de mes parents, j’ai été bercé dans la chanson Française : Brassens, Brel, Piaf, Léo Ferré… J’ai découvert le rock par la suite, avec Noir Désir, puis le Punk.
Charlotte : Je n’ai pour ma part jamais pris de véritables cours de chants avant le projet Wax Tailor. J’étais chanteuse dans un premier groupe du nom de Clover, qui évoluait dans un registre électro-pop. C’est par le biais de cette formation que j’ai rentré J.C. de Wax Tailor. Mon premier album « officiel » était un disque de Clover, qui a été distribué en 2004, puis l’album de Wax Tailor en 2005. Dans le principe, je suis autodidacte.
Comment se déroule la composition, sur quoi vous-êtes vous trouvés ?
Felipe : Sur nos textes, sur nos morceaux…
Charlotte : A la base Felipe proposait plus de textes, de guitares-voix. Progressivement, nous avons abordés l’écriture à deux. « Le plancher des Cieux » est un morceau que nous avons composés ensemble. Il n’y a pas vraiment de formule, même si Felipe est à l’origine de Felipecha. Nous proposons par la suite les morceaux à d’autre musiciens.
Felipe : Mais Felipecha tend à devenir un groupe. Nous tournons en formule quintet, en compagnie de musiciens avec qui nous aimons collaborer.
BEN : Comment viennent se greffer les arrangements ? Vous gardez une idée très précise de la direction à emprunter, ou les musiciens additionnels conservent malgré tout une certaine liberté d’écriture ?
Felipe : A l’origine, le guitare-voix est déjà composé, les mélodies sont donc en grande partie établies. C’est surtout Manu qui intervient par la suite.
Charlotte : Mais c’est eux qui composent toutes leurs interventions, qui apportent leur touche. Mais on donne notre avis, surtout lorsque l’on souhaite conserver un aspect intimiste, ne pas apporter au morceau des orchestrations trop marquées.
Felipe : Globalement, nous souhaitons rester proche du guitare-voix. Sur scène, c’est moins évident puisque nous nous orientons vers des choses plus dynamiques.
L’album procure un sentiment de légèreté. Que souhaitez vous faire passer à travers votre musique ?
Charlotte : Je ne pense pas qu’il y ait de message particulier, on exprime des expériences personnelles, des fantasmes, des humeurs…
Felipe (d’un ton pesant) : Des fuites, le poids du monde (rires)…
Ce disque, c’est une réaction à l’aspect oppressant du quotidien ?
C’est une manière de voyager, au moins dans son esprit, dans son corps.
Charlotte : La légèreté permet de faire facilement passer des textes plus sombres.
Felipe : Le fait de faire passer un message plus pessimiste sur une musique légère apporte une ambiguïté. C’est notre côté rock’n’roll.
Charlotte : C’est le principe de la vie. On a tous un peu de bonheur à être triste.
Felipe : L’album nous ressemble, il est à notre image.
La biographie joue sur l’aspect opposé de vos personnalités, réalité ou fiction ?
Felipe : On est complémentaires, c’est le côté un peu romantique de la littérature. Charlotte a une belle voix, moi j’ai peut-être un peu plus d’angle.
Charlotte : Il est à la bière, moi je bois de l’eau (rires).
Felipe : C’était une manière d’accentuer les contrastes, comme dans notre univers musical au final. Il nous arrive de mettre des chansons qui abordent des thématiques plutôt chaudes sur de la musique froide, et vice-versa. C’est l’ensemble de ces petites dualités qui forment Felipecha.
Chorus : Vous venez tous les deux de Nanterre ?
Oui, d’ailleurs pour l’anecdote, le titre « Qu’en restera-t-il ? » date de l’époque de la faculté. Il y avait encore des phrases datant de mai 68 sur les murs des bâtiments, « interdit d’interdire », « faut pas confondre être et avoir »… Et au dessus de l’amphithéâtre d’Histoire, il était inscrit « Et de l’éclat de la lune dans le printemps obscur… Qu’en restera-t-il ? ». Je n’avais pas bien compris le concept, mais cette phrase un peu mystique m’intriguait et m’a inspirée.
BEN : Felipecha est signé chez At(h)ome, qui s’est fait connaître avec des formations plus rock, voire metal ou punk. Comment être vous entrés en contact avec cette structure ?
L’arrivée de Felipecha chez At(h)ome s’est faite sur l’humain. Nous avons rencontrés plusieurs labels, mais Stéphane et Olivier se sont présentés avec la plus grande modestie. Ils ont notre âge, c’est un petit label indépendant, et nous étions attachés à cette notion d’indépendance.
Charlotte : Je pense qu’ils ont été touchés. Nous avons discutés du projet, et tout le monde était sur la même longueur d’onde. Personnellement, At(h)ome m’avait été conseillé par un vendeur de la FNAC. Nous avons envoyés une maquette, et ils nous ont fait une proposition presque immédiatement.
De quoi a-t-on peur au moment de signer sur un label ?
Felipe : De perdre sa liberté, d’avoir un directeur artistique qui impose des changements trop conséquents.
Charlotte : On a peur d’être écrasés. De gros labels se sont intéressés à notre projet, on s’est posés beaucoup de questions. Mais ils imposaient trop de changements.
Felipe : Un indépendant va développer moins de moyens, mais va investir sur le long terme, ce qui n’est pas forcément le cas des majors qui évacuent immédiatement les artistes qui ne rencontrent pas le succès espéré.
Charlotte : Il y a aussi de très bonnes équipes chez les majors, même si c’est plus rare, ce n’est quand même pas aussi catégorique. Pour Ronan Luce, il aura fallu quelques années. Mais en ce qui concerne At(h)ome, ils nous ont exposé tout de suite la volonté d’accompagner le projet sur plusieurs mois, de faire de Felipecha une priorité.
Felipe : Par ailleurs, Manu avait réalisé les maquettes, et nous voulions que ce soit lui qui fasse l’album avec nous.
Charlotte : Ils ne nous ont pas obligés à prendre quelqu’un d’autre pour réaliser l’album, ce qui n’aurait pas forcément été le cas sur une autre structure.
Quel a été l’accueil au moment de la sortie ?
Felipe : Très bon. Nous avons d’ailleurs eu immédiatement une proposition de Taratata. C’était notre premier plateau télé.
BEN : Vous avez par ailleurs remplis sur trois jours consécutifs le Zèbre de Belleville à Paris. Vous aviez le sentiment d’être attendus ?
Charlotte : Attendus dans le sens ou une fois l’album disponible, le public et les professionnels souhaitaient nous découvrir sur scène. Nous n’avions pas fait beaucoup de scène auparavant. Nous n’étions pas véritablement confiants, mais nous avions envie de nous produire sur scène.
Chorus : Charlotte, pour revenir sur le projet Wax Tailor, a quel niveau t’impliques-tu dans le collectif ?
Charlotte : A l’origine, Wax Tailor est un producteur qui invite des musiciens sur ses albums. Chaque intervenant apporte des textes, de la voix, du violoncelle, de la flute… Lui opère en chef d’orchestre. Sur scène, tout le monde intervient. Avec les années, un « noyau dur » s’est formé, ce qui n’empêche pas les interventions de participants occasionnels. Le troisième album sortira en septembre 2009.
BEN : Qu’as-tu tirée de cette collaboration avec Wax Tailor ? Est-ce que par certains aspects, et même si les registres musicaux restent différents, ta participation à ce projet a eu une incidence sur Felipecha ?
Musicalement, je ne pense pas. Bien sur, cette collaboration m’a nourrie, comme toute expérience de la vie. Par contre, travailler avec Wax Tailor m’a apporté l’expérience de la scène. Nous avons fait plus de 250 concerts depuis le premier album, forcément cela m’a apporté une certaine aisance.
Chorus : Felipe, avais-tu l’habitude de te produire en concert avant Felipecha ?
Felipe : Non, j’étais puceau (rires) !
BEN : Vous tournez à cinq, est-ce que les retranscriptions donnent lieu à des réarrangements, de nouvelles manière d’aborder les morceaux ?
Felipe : Les cinq personnes sont celles qui ont engistré le disque. Mais on essaye d’adapter, car il manque certains instruments, notamment les pianos ou les cordes. On n’a pas autant de mains sur scène, mais on adapte surtout au niveau de la dynamique.
Charlotte : On a aussi quelques reprises, pour compléter, notamment Noir Désir qu’on est très heureux de pouvoir jouer ici.
Felipe : C’était un peu un hasard à l’origine. C’était une reprise que l’on avait fait pour France Inter. Ils ont accepté que l’on joue « Le Vent nous Portera ». On la fait donc sur la tournée.
La suite, vous y pensez- déjà ?
On en parlait justement tout à l’heure, on a du boulot. Il y a des choses à venir !
Pour terminer avec un sujet d’actualité, quelle est votre opinion sur la loi HADOPI ?
Charlotte : C’est idiot. Les internautes trouveront toujours des moyens des moyens de contourner, et d’autres vont être mis dans une situation délicate.
Felipe : C’est vrai qu’il y a beaucoup d’échange de musique gratuite. Et c’est un argument commercial pour vendre des supports, des clés USB, et même des ordinateurs. Cette industrie considère que la musique doit être gratuite pour vendre ses produits. Au final, ce serait plus à aux de mettre la main au pot. De toute facon, on ne peut rien contre la libre circulation. On ne touche rien sur les écoutes Deezer, mais au final ca peut nous permettre de ramener du public pour les concerts.
Charlotte : On ne touche pas non plus énormément d’argent sur un téléchargement légal, enfin mois que sur de la vente physique. Ce n’est pas ca qui fait vivre les artistes, loin de là.
Felipe : Par exemple, le titre le plus écouté de Deezer a été lu des millions de fois. Il devait regrouper une vingtaine d’ayants-droits, qui ont chacun touchés 47 € pour l’année 2008 !
Charlotte : Mais c’est un excellent moyen de promotion, on peut se faire immédiatement une idée de la musique d’un artiste. Par contre, le son est très mauvais. C’est dommage que beaucoup d’Internautes se limitent à ce genre de moyen pour écouter de la musique, alors que les musiciens passent du temps en studio afin de proposer un bon son sur album. Mais C’est un vaste sujet.
Felipe : Au final, Internent nous a beaucoup aidés. C’est grâce à Myspace que Felipecha a été repéré.
Charlotte : C’est une première carte de visite. Les gens peuvent prendre tout de suite conscience de l’univers des artistes, notamment par l’aspect visuel.