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Live report – Alt-J à l’abbaye de Neumünster, Luxembourgville

Le 13 juillet 2017, Alt-J jouait entre les murs de la prestigieuse Abbaye de Neumunster à Luxembourgville. Suite à un dernier album radical et devant un public réputé difficile, c’était une date-clé de leur tournée 2017. Alors, les nerds du lycée sont-ils parvenus à conclure avec l’arty-bourgeoise Luxembourg ?

Si la vie était un lycée américain, Alt-J ne fait pas vraiment partie des quaterbacks ; mais on sait tous que c’est un avantage en musique. Artistes, rêveurs, geeks, l’entité se compose de curieux expérimentateurs qui ont posé leur identité planante en deux albums et ont conquis tous les élèves les plus quirky, dont la jolie arty-bourgeoise Luxembourg (appelons-la Luxy pour plus de concision). Seulement voilà, la sortie du 3e album Relaxer en 2017 a scindé le lycée en deux teams : ceux qui ont apprécié l’aspect « art total » et l’exploration stylistiquement bordélique du truc, et ceux qui se sont paumés dans le « c’était mieux avant » et le site interactif attenant à l’album (les visuels 80s ne sont pas tous bons à prendre, surtout dans le jeu vidéo). Du coup ce rencard arrangé entre Luxy et Alt-J à l’abbaye de Neumünster, c’est une bonne grosse pression pour le groupe : il va falloir convaincre cette demoiselle difficile, amoureuse de musique pointue mais grande duchesse de la po-po-poker face. Parce que c’est un fait culturel plus qu’une rumeur, le public luxembourgeois a une façon bien à lui de consommer un concert : de loin, avec détachement et distance critique. Alors Vill Gléck Alt-J.

La crainte majoritaire résidait dans la projection d’immondes images pixelisées sur les sublimes façades de l’abbaye, en accord avec les visuels liés au jeu précédemment cité. Mais que nenni, Luxy a eu droit à une ambiance de qualité : scénographie envoûtante et créative, faite de rais de lumière fins, graphiques et colorés. De quoi lui faire lever un regard curieux et se laisser prendre de surprise, même si elle reste à siroter sa bière d’un air faussement dégagé et à rire aux blagues du serveur. Mais Alt-J n’est pas groupe à se laisser abattre et continue son programme à la lettre ; même si sa maladresse sociale (la communication est gardée au strict minimum) pourrait le desservir, elle passe finalement pour un détachement concentré qui colle fort bien à l’atmosphère et au son.

Par sécurité peut-être, les titres s’équilibrent entre les trois albums et Relaxer n’est pas poussé plus que de raison ; petit bémol, l’étrange mélange beats-trompette-orgue de nouveau In Cold Blood est accueilli avec une perplexité polie. Il faut dire qu’elle ressemble fort à une tentative too much de se faire passer pour un gangsta ; laisse tomber Alt-J, même si elle le montre pas Luxy elle t’aime pour ce que t’es ! Il faudra sûrement encore quelques écoutes de 3WW et des autres singles pour s’imposer dans les esprits : plus bariolés et paradoxalement plus anonymes aussi, les titres de Relaxer ont eu beaucoup moins de succès à Neumünster qu’un Fitzpleasure ou Every Other Freckle. Difficile de tourner la page de tubes aussi planants.

Malgré la réception partagée des nouveaux titres, le rencard s’est déroulé sans accroc : Luxy a souri et déhanché bien plus qu’elle n’avait prévu de le faire ce soir, et peut-être plus qu’avec les autres chanceux à avoir passé les portes de l’abbaye. Peu importe la timidité du prétendant, son spectacle de lumière onirique et l’atmosphère intimiste des chansons ont conquis la duchesse et elle le réinvitera à coup sûr. D’ailleurs elle est encore captivée à la fin de la dernière chanson : synchronisé avec des éclats de lumière, le son de la caisse claire est similaire à des explosions de feux d’artifice, et lui laisse autant d’étoiles dans les yeux.

Article : Marine Pellarin
Photos : Ugo Schimizzi

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