{multithumb}Commercialement parlant, la rentrée 2007 fut assez noire sur Bordeaux. Groupe à la renommée toujours grandissante, Eths pouvait être perçue comme la grosse soirée de ce dernier trimestre, le groupe qui allait enfin déplacer une foule un brin plus conséquente. Bonne pioche, puisque bien que n’affichant pas sold-out la Rock School Barbey se remplit tranquillement aux trois quarts de sa capacité, malgré l’absence pour cette date des vétérans de Watcha.
A Babylon Pression d’ouvrir les hostilités. Cultivant avec le même esprit second degré ultra-prononcé son aspect d’entreprise fictive, les quatre garçons débarquent en chemise cravate avec un « La France à Peur » qui dynamite l’assemblée d’entrée de jeu. Difficile de ne pas scander avec les marseillais les refrains d’un morceau ultra-fédérateur et politisé dans lequel tout le monde finit par se retrouver. « La France recule, la France t’encule », Babylon assène son message avec une force de frappe écrasante et une énergie aussi salvatrice que décapante. Le groupe ne tient pas une seconde en place, et démontre en une poignée de morceaux à quel point ils se foutent du star système et de sa musique en boite de conserve. Les glaviots volent dans tous les sens et les lascars reprennent les délirants dialogues patron / employé d’un « Déjà Mort » sur lequel Mathieu débecte ses paroles à un rythme effréné tout en adoptant l’option faciès grimaçant. Et qu’importe si une majorité du public ne connaît pas leurs morceaux sur le bout des doigts, les musiciens ne feront pas dans la demie mesure et ne se ménagent à aucun moment, quitte à venir se frotter directement au public pour un « Négative Génération » d’anthologie sur lequel ceux-ci descendent directement dans la fosse. Bien que chahutés, l’interprétation est impeccable et sans accroc, et aura le mérite de déclencher une véritable ébullition au sein de l’assistance quelques minutes avant la performance d’Eths.
Les adorateurs de la première heure regretterons certes l’absence de morceaux issus des productions passées (seuls « Négative Génération » et le classique « Classé X » seront balancés entre deux très bons extraits de Travaille Consomme et Meurs) ainsi que le choix peu judicieux d’un « La Vie sous Vide » qui viendra légèrement casser le rythme soutenu de la prestation, mais il reste difficile d’en blâmer Babylon Pression. Le groupe à en effet souhaité rester cohérent et ne proposer sur cette tournée que des titres en phase avec sa nouvelle orientation musicale, plutôt que se fendre d’interprétations moins incisives à demie-forcée sur lesquelles intervenaient l’ancienne moitié vocale aux tonalités plus festives d’un binôme de chanteurs désormais dissolu. Mathieu assure désormais seul, et tout comme le reste du groupe s’acquitte de sa tache avec brio. Court mais néanmoins intense, Babylon semble avoir rallié à sa cause une bonne partie de la Rock School Barbey. A Eths de démontrer qu’ils peuvent faire aussi bien.
Et c’est avec le classique « Samantha », morceau qui avait plus ou moins lancé leur carrière, que le quintet version 2.0 lance son set. Un coup de tonnerre fracassant qui déclenche sans surprise des mouvements de foules incontrolables, et l’occasion de constater que malgré les départs de Roswell et Guillaume, les marseillais restent au top niveau présence scénique. Si tous les regards convergent vers une Candice charismatique qui n’aura de cesse d’haranguer une foule hystérique, Matt (batterie) et Geoffrey (basse) semblent s’être parfaitement intégrés à la formation marseillaise. Expérience oblige, les deux briscards ne se limitent pas à une bête retranscription live des morceaux, mais semblent au contraire prendre un réel plaisir à électriser la fosse. Il s’agira pourtant du seul morceau rescapé du pourtant très bon EP du même nom, puisque le groupe préférera par la suite piocher dans le plus ancien Autopsie, se fendant dans « Pourquoi » vibrant écarté des festivités en début de tournée.
Tératologie, dernier album en date, sera bien évidemment très largement mis à l’honneur, avec sept morceaux ténébreux aux structures alambiquées. Le groupe a probablement sélectionné les plus percutants et judicieusement disposés ceux-ci entre deux enivrants et explosifs extraits de Soma. L’énorme « Crucifère », « Detruis-moi » ou encore le rebondissant « Infini » sont bastonnés avec une rage pachydermique, véritables baffes sonores enchaînées par une formation ultra-professionnelle au fonctionnement huilé à la perfection. Eths mène son spectacle sans temps mort, inséminant de ci et là quelques coupures afin de laisser la foule exprimer une joie non contenue, et se voit de plus fort bien mis en valeur par une technique impeccable. L’éclairage est tout simplement magnifique et superbement adapté aux différentes ambiances amenées par la musique du quintet, baignant les musiciens de teintes verdâtres inquiétantes lors des breaks ambiancés malsains ou explosant dans des saccades épileptiques aveuglantes lorsque celui-ci laissent enfin s’échapper toute leur hargne.
Mais le passage sur les planches et la retranscription des nouvelles compositions est également l’occasion de constater les impressionnants progrès des marseillais, à l’image d’un monstrueux « Bulimarexia » qui laissera tout le monde a genoux tant Candice maîtrise désormais sa voix à la perfection. Bien qu’handicapés par quelques problèmes sonores en seconde partie de set (larsens incessants), le quintet parvient à tenir son public en haleine, les incartades en chant clair témoignant d’une impressionnante justesse. Effectuée a capella, l’introduction de « NaOCl » ouvrant un rappel de trois titres en est l’exemple le plus significatif. Candice tient ses notes avec brio alors que les guitares se taisent, ses compères ne tardant pas à la rejoindre pour un tabassage en règle d’un morceau rallongé pour l’occasion. Multi-instrumentiste, Staif jongle entre guitare et claviers, s’en donnant à cœur joie en sonorités stridentes afin de conclure l’hymne de leur nouvel opus. « A la droite de Dieu » sera annoncé comme le dernier titre de la soirée, avant qu’un courageux ne réclame cinq morceaux supplémentaire à une formation qui ne pourra s’exécuter mais enverra en contrepartie un « V.I.T.R.I.O.L. » à la puissance dévastatrice.
Probable conséquence des dates précédant voyant s’enchaîner quatre formations contre deux ce soir, la prestation d’Eths fut certes bien courte. Mais les marseillais ont su compenser par une intensité rare. Chapeau bas. {multithumb thumb_width=110 thumb_height=73}
Photos de Sébastien.