Débarqués en 1999 avec un opus explosif, les neuf masqués de Slipknot auront rapidement bousculés les cases de la scène metal internationale. Catalogué dans un mouvement néo-metal dont ils explosent littéralement les frontières, le groupe s’impose aussi bien par une attitude marginale que par une musique fracassante. Rixes à répétition, destructions massives, débordements graveleux, Slipknot cultive le goût du scandale et traine une répétition de souffre, en partie rattachée aux masques sous lesquels les musiciens se dissimulent. A l’époque dénuée de visage humain, la formation s’impose auprès du public par ses excès, heureusement appuyés à l’époque par un album aussi barjo qu’inattendu.
Bien que déjà responsable d’un full-lengh (Mate. Feed. Kill. Repeat) passé sous silence, Slipknot ne prendra d’assaut l’industrie musicale qu’avec ce « véritable » premier album, supporté par l’artillerie lourde de Roadrunner Records. Véritable torpille metal, Slipknot avance d’emblée une propension très marquée pour le death metal, bien que ce penchant se voit habillement fusionné avec une dimension presque « néo » en partie inhérent à une production maousse costaud assurée par le mythique gourou Ross Robinson. Hybride, brutal et sans compromis, l’opus éponyme des neufs masqués sors des carcans habituels et expose des morceaux à vif, les débordements d’électricité négative s’exprimant à travers les riffs explosifs et haineux des guitares du redoutable tandem Jim Root / Mick Thompson. Plus authentique, nettement plus cinglé que leurs comparses labélisés néo-metal, les musiciens de Slipknot s’éloignent par ailleurs également du death traditionnel en privilégiant l’efficacité et l’accessibilité à une technique exacerbée. La basse fusionne avec les guitares sans imposer de lignes véritablement démarquées et aucun solo ne sera amené à percer le solide mur de saturation érigé en façade (« Eyeless », furieux, « Liberate »). Cette volonté de dégueuler sa violence à la face du monde avec un son ultra-compact se voit de plus renforcée par des percussions qui prennent ici une dimension dantesque, le groupe comptant dans ses rangs pas moins de trois frappeurs azimutés. C’est presque à cet unique niveau que la section instrumentale de Slipknot s’épanche dans une technique particulièrement démonstrative, le minuscule Joey Jordison assurant la batterie avec une affolante maitrise. Renforcé par les percussions de Shawn « Clown » Crahan et de Chris Fehn, le batteur dynamite les structures des morceaux pour leur attribuer un tempo épileptique et jubilatoire (la charge nucléaire « (Sic) », le tonitruant single « Spit It Out », « Eeyore », « Surfacing »).
Mais malgré cette dimension rouleau-compresseur, Slipknot tire sa force des contrastes dont témoigne sa première production. Bien que rarement interrompue, la violence laisse occasionnellement filtrer des horizons légèrement plus mélodiques, l’ensemble conservant malgré tout un côté apocalyptique et résolument glauque. Cette variété d’écriture est en partie inhérente aux habillages de samples, froids et aliénants, qui contribuent à développer l’aspect crade et malsain de la musique de la formation américaine (« Eyeless », « Prosthetics », « Tattered And Torn »). La composante la plus versatile de Slipknot reste cependant son imposant frontman, qui propulse la musique du groupe vers un succès international quelques mois après son intégration. Corey Taylor écrase aussi bien qu’il s’envole dans un chant clair pleinement maitrisé, bien que ce dernier ne soit pas employé comme un recours indispensable aux refrains. Taylor habille avant tout les instrumentations de Slipknot d’une rage communicative, le chanteur matérialisant des sentiments troubles à travers des vocaux lorgnant aussi bien vers des hurlements death que du côté d’un plus rare rapcore viscéral (« Spit It Out », « Only One »). Le chant clair s’impose de ce fait en véritable respiration, et présente de plus une cohérence sans faille avec le registre hurlé massivement privilégié par Taylor sur les morceaux de l’album (le tube « Wait & Bleed »). D’avantage tourné autour des triturations et autres troublantes distorsions sonores, la seconde partie de l’opus est d’ailleurs l’occasion pour Taylor d’expérimenter les variations vocales avec un certain brio, les titres se montrant en contrepartie moins accessibles mais tout aussi impressionnants (« Prosthetics »).
Œuvre culte, disque d’une génération, Slipknot est un témoignage discographique d’une réelle authenticité. Un album immanquable et majeur dans l’histoire du metal moderne.
.: Tracklist :.
01. 742617000027
02. Sic
03. Eyeless
04. Wait and Bleed
05. Surfacing
06. Spit it Out
07. Tattered and Torn
08. Me Inside
09. Liberate
10. Prosthetics
11. No Life
12. Diluted
13. Only One
14. Scissors
15. Eeyore (Hidden Track)