On ne s’attendait pas à revoir les huit musiciens de Letzte Instanz de sitôt. A peine une douzaine de mois après un Wir Sind Gold réussi bien que classique dans sa forme, le groupe revient avec un nouveau disque synonyme d’une plus grande prise de risque. Si le prédécesseur de ce Das Weisse Lied avait en son temps fortement divisé la critique, il pourrait bien en être de même avec ces treize ré-interprétations qui rompent avec ce à quoi les allemands nous avaient habitués.
Ce nouvel opus ne présente en effet que très peu de nouvelles compositions. Seuls quatre morceaux se révèlent totalement inédits, le reste a été pioché dans la conséquente discographie de la formation (déjà six albums à son actif). Malgré ce très faible pourcentage de morceaux inédits, Das Weisse Lied ne souffre pourtant à aucun moment qu’un quelconque sentiment d’inutilité. Les musiciens ont en effet re-travaillés leurs titres à la sauce acoustique et enregistré le tout en live, divisant leur œuvre en trois volets (Eros, Philia et Agape). Si le principal défaut de ce genre de pratique est bien souvent d’installer une relative monotonie au fur et à mesure de l’écoute, Letzte Instanz parvient à contourner le problème avec brio en multipliant les composantes au sein de son instrumentation. Bien que dénuées d’électricité et du son gonflé à bloc dont témoignait Wir Sind Gold, le disque n’en est pas pour autant rébarbatif tant les allemands s’appliquent à conserver une rythmique qui, bien que relativement calfeutrée, cavale sur ces treize morceaux (« Du Und Ich », « Tanz » ou encore « Morgenrot », l’une des relectures les plus réussies de l’album). La ballade soporifique n’est malheureusement pas oubliée (l’insupportable « Winter », morceau peu passionnant malgré une ambiance gothique à la Tim Burton). Cette asthmatique dérive ne reste fort heureusement que très rare, mais parvient à gâcher la fin de l’écoute de Das Weisse Lied à l’aide de deux compositions plus que passables (« Winter » ainsi que l’inédit « Mutter », instrumental sans véritable intérêt sinon celui de plonger l’auditeur dans une profonde léthargie).
Exception faites de ces quelques relatifs ratages, les ossatures ne paraissent aucunement dépouillées, le line-up du groupe permettant une approche bien plus originale de cet exercice difficile. Avec un violoniste ainsi qu’un contrebassiste dans ses rangs, Letzte Instanz insuffle à Das Weisse Lied différentes ambiances bien marquées. Si la folk semble (sans surprise) dominer le tout, les huit allemands s’autorisent des incursions de piano jazzy et swinguant en lieu et place des synthés froids d’antan (« Morgenrot » et sa ligne de basse irrésistiblement groovy) ou encore multipliant l’impact des cordes en se fendant d’un nombre incalculables d’envolées baroques aux sonorités langoureuses (l’introduction d’un « Jeden Morgen » qui ne tarde pas à s’envoler vers des cieux plus éclairés). Letzte Instanz prend même le risque de revisiter un classique de David Bowie (« Heroes » qui devient ici « Helden ») à sa sauce, livrant bien plus qu’une simple reprise par une version finement remodelée et bien personnelle. Le chant est pour sa part parfait, aussi bien adapté aux morceaux plus habituels qu’à ses récents travaux, Holly ayant néanmoins fait le choix de se voir appuyé par de discrets chœurs féminins sur quelques refrains. Ces interventions restent néanmoins relativement anecdotiques.
Das Weisse Lied est l’exemple même de l’exercice acoustique réussi. Si le disque évite brillamment la case de l’inutile, il demeure cependant fort probable qu’il ne convainque pas tout à fait une partie de ceux qui attendaient d’avantage un nouvel album inscrit dans la veine de Wir Sind Gold.
.: Tracklist :.
01. Kalter Glanz
02. Tanz
03. Ohne Dich
04. Eros
05. Unerreicht
06. Jeden Morgen
07. Du Und Ich
08. Helden
09. Das Weisse Lied
10. Für Immer Und ewig
11. Morgenrot
12. Winter
13. Mutter