Wolves avait marqué un tournant dans la courte carrière des allemands de Deadlock. Et entraîné quelques inévitables critiques dans son sillon, le groupe développant avec cet album une dimension nettement plus mélodique de par l’intégration « à plein temps » de leur choriste Sabine Weniger. De discret atout lyrique, la demoiselle vient à occuper une position centrale, laissant planer sur l’avenir de Deadlock un possible formatage vers un registre metal à voix féminine aux rangs surchargés. Pourtant, le désormais sextet était parvenu à conserver l’esprit d’origine. Inscrit dans la même continuité, Manifesto vient une nouvelle fois prouver de l’habilité de la formation à marier les styles.
Sans rupture, le troisième opus de Deadlock ne se détachera guère de son étiquette death mélodique de toujours, bien que le potentiel tubesque des cavalcades musicales ne semble encore s’affiner. Les égarements dans les sphères typées black-metal semblent désormais bien loin, et si la musique du sextet pourra paraître partiellement calibrée et à l’occasion tirer sur un metalcore classique, elle n’en reste pas moins ultra-efficace. Bien que les riffs demeurent relativement basiques, Deadlock en fait cependant un usage judicieux et aiguise à l’extrême ses instrumentations, donnant naissance à une bonne série de compositions au potentiel rythmique furieusement accrocheur (le virulent « Martyr To Science » et son introduction marteau-piqueur, les incessants zigzags de guitares sur « Dying Breed »). Un alliage parfait entre violence et mélodies, le groupe établissant de savoureuses fusions entre passades saturées écrasantes et break éthérées bardés de samples, sans que la cohérence de l’album n’en pâtisse. Car afin d’insuffler une véritable variété à Manifesto, le sextet use une nouvelle fois de nombreux ressorts électroniques, disposant aux encornures d’hypnotisantes boucles et autres claviers aux sonorités digitales (« Slaughter’s Palace », « Seal Slayer »). Simple renfort aux interventions discrètes, la composante évite soigneusement d’imposer des interventions trop appuyées ou pompeuses.
La cohabitation des styles se voit grandement aidée par la dualité de son binôme vocal, Johannes Prem incarnant la facette sombre alors que Sabine Weniger prend à cœur de poser sur bandes des envolées vocales à la justesse renversante. Les deux intervenants parviennent de plus à se défaire de façon plus marquée du schéma de base « couplets hurlés / refrains clairs », en instaurant un jeu de questions réponse à la dynamique parfaitement mise en scène par les différences de registres (« Seal Slayer »). Les refrains resteront acquis aux prouesses lyriques de Sabine Weniger, mais Manifesto témoigne malgré tout d’une bien meilleure utilisation de la dualité vocale, justifiant d’un point de vue autre que purement commercial l’intégration de sa vocaliste virtuose. Si ces combinaisons instrumentales comme vocales étaient déjà plus ou moins à l’honneur sur Wolves, le groupe a cependant poussé son désir d’évolution un petit cran au dessus, s’autorisant quelques solos maîtrisés et parfaitement inscrits dans la continuité des univers développées (le single « The Brave / Agony Applause »). Plus surprenant, Deadlock profite d’une de ces échappées épiques pour muer vers des terrains jazzy sur lesquels s’invitent un saxophone décomplexé. Dans le même esprit de contradiction, Deadlock ose inviter un rappeur à poser un flow tonitruant et old-school sur une outro samplée digne des meilleurs représentants US (« Deathrace »). Etonnant et bien amené.
Manifesto est un album aux bases classiques, mais parvenant cependant à se dédouaner d’un genre surchargé par quelques manœuvres bien agencées. Sans complexe, Deadlock livre un excellent disque, sans nul doute le meilleur de sa carrière.
.: Tracklist :.
01. The Moribund Choir vs. The Trumpets Of Armageddon
02. Martyr To Science
03. Slaughter?s Palace
04. The Brave / Agony Applause
05. Deathrace
06. Fire At Will
07. Seal Slayer
08. Manifesto
09. Dying Breed
10. Altruism
11. Temple Of Love