Trouver une quelconque information sur Alchemist reste encore particulièrement difficile. Tout juste parviendra t’on à glaner de ci et là quelques malheureuses brides de biographie, suffisantes pour apprendre que ces musiciens nous viennent d’Australie, que Tripsis semble déjà se présenter comme leur sixième album et que celui-ci aura nécessité trois années de composition. Un anonymat d’autant plus incompréhensible lorsque nous est donnée l’occasion de jeter une oreille attentive sur l’exceptionnelle musique de ce groupe incroyablement talentueux et inspiré.
Posé sur bandes avec une rage psychédélique, Tripsis se dessine comme une offrande savoureuse, complexe et savamment déstructurée, un assemblage cohérent de sons et d’émotions diverses, véritable travaille d’orfèvre sonore qui prend à contre-pied toutes les tendances actuelles. Trois longues années de travail qui ne pouvaient qu’avoir portées leurs fruits sur un travail d’une exceptionnelle richesse. A l’instar de ses modèles que sont Isis ou Cult Of Luna, Tripsis sait malicieusement surprendre son auditeur et l’embarquer dans un long et appréciable voyage sous acides, véritable traversée de paysages à la fois beaux et terrifiants. Tantôt saturé d’une électricité tétanisante qui vient installer un climat sombre et oppressant, tantôt ouvert sur des cieux éclairés délicieusement planants, Alchemist conjugue avec une classe certaine le lourd avec le virevoltant, l’effrayant et l’apaisant, construisant ses instrumentations sur des contrastes plus que marqués (l’incroyable et immanquable « Nothing In No Time », « CommunicHate », « Anticipation Of A High »). Tripsis est un incessant grand huit dans lequel l’auditeur évolue les yeux bandés, sans réelle idée des brusques et surprenants virages, plongées ténébreuses ou décollages soudains qui se profilent sur sa route. Les six musiciens livrent neuf pistes durant une formule adictive, originale et surtout personnelle. Le groupe pioche dans ses probablement nombreuses et incomparable influences, cassant sa rythmique sans hésitation et combinant sur le même disque des compositions présentant en quelques mesures des passages effrénés typiquement death enchaînés sur des envolées subtilement satinées d’électronique.
Les instrumentations ciselées avec minuties sur de longues étendues alternent avec brio la violence des guitares hurlantes sur de vastes étendues hypnotisantes dépouillées au cours desquelles il est difficile de prendre de réels repères. L’alternance entre hargne chaotique et beauté aveuglante aux sonorités cristallines se fait sans préavis, le tout restant résolument désespéré et mené par une batterie nerveusement inspirée qui sait néanmoins faire preuve de retenue (« Tongues And Knives »). Les tirades vocales torturées renforcent encore ce sentiment d’oppression continue. Sur un timbre aussi rauque qu’éraillé, le bonhomme déballe ses sentiments avec une honnêteté forcément touchante, quitte à n’attribuer à Tripsis qu’une unique couleur : un noir présentant néanmoins de multiples nuances. Son chant à mi chemin entre le death et hardcore passe cependant au second plan, Alchemist aimant comme tout bonne formation expérimentale qui se respecte laisser une place plus qu’imposante à ses instrumentations. La voix agit donc comme un complément de luxe, renforçant encore d’avantage la portée rageuse des incartades explosives de riffs lourds et affûtés (« Anticipation Of A High »).
Avec Alchemist, le label Relapse Records tient de l’or entre ses mains. Espérons que la réputation de leur nouvelle écurie ainsi qu’une réelle distribution permettront à cette formation de trouver un réel public, tant Tripsis frôle l’excellence. Chapeau bas.
.: Tracklist :.
01. Wrapped In Guilt
02. Tongues And Knives
03. Nothing In No Time
04. Anticipation Of A high
05. Grasp At Air
06. CommunicHate
07. Substance For Shadow
08. God Shaped Hole
09. Degenerative Breeding