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Matmatah : « C’est quoi tous ces pikachu en festival ? »

Nos bretons préférés sont de retour : Matmatah revient dans un gros riff de guitare, et avec un nouvel album s’il vous plaît. On a discuté grand retour, politique et jeunesse Pikachu avec Eric (basse) Benoît (batterie) et Manu, le nouveau guitariste.

On pensait Matmatah mort et enterré, du coup on a été ravis de vous voir revenir avec Plates Coutures. Comment tout ça s’est décidé ?
Eric : Quand on s’est arrêté en 2008 c’était effectivement un arrêt définitif. On avait envie d’arrêter avant qu’on nous le demande, déjà, et puis on voulait aussi découvrir ce que c’était que la vie normale… Imagine, on est sortis des bancs de la fac, on est montés dans un tour bus et on a enquillé 15 ans de tournée !

On avait repris contact pour marquer le coup des 20 ans de la création du groupe : l’idée c’était de créer un bel objet de reprises et d’inédits, ç’a pris la forme d’Antaology. On avait proposé à Sammy, le guitariste originel, de nous accompagner mais il n’a pas souhaité y prendre part ; de son côté, Stan (le chanteur, NdlT) travaillait avec un autre guitariste, Manu. On lui a proposé de bosser un peu avec nous sur Les demoiselles de Loctudy et Tricératops, et à force de passer du temps ensemble, on a eu envie de créer encore plus de nouvelles choses.

Au moment où on s’est dit qu’on allait faire un nouvel album, Manu a été cash avec nous : il nous a dit qu’il avait une identité guitaristique bien à lui et qu’il ne voulait pas être un ersatz de Sammy. Donc dès le début, la condition était d’être affranchi de règles ou d’habitudes strictes, et de construire ensemble. Ca nous allait parfaitement donc on s’est lancés là-dedans, et c’est vrai qu’il a amené une couleur différente qui a pu apporter des titres comme Overcome ou Petite frappe.

Ce qui a changé c’est le lineup, l’état d’esprit est le même : on a commencé par des bars, des petites salles et maintenant on est en festival. On a toujours cette même envie de venir défendre un album devant les fans.

Vous songez à une tournée ?
Eric :
Ah ben oui ! Un musicien c’est ça, c’est un peu schizophrène : une partie de nous a envie de faire des concerts, et une partie veut se retrouver devant une page blanche dans un coin tranquille pour écrire une chanson. Mais oui, l’idée c’est d’avoir créé des nouvelles chansons pour les jouer en live.

Manu, comment se passe l’intégration pour toi ? Est-ce que c’est un nouveau groupe né avec toi ?
Manu :
J’ai pas cette prétention de dire que comme j’arrive, c’est un nouveau groupe. Mais du moment qu’on commence à créer quelque chose ensemble, y a une osmose qui se forme, il se trouve que oui, ça a fonctionné. Ca s’est très bien passé parce que justement j’ai pu envoyer la balle dans tous les sens sans avoir à me soucier de rentrer dans le cahier des charges du groupe, d’une patte d’écriture. Et eux savent recevoir ça, gérer ça. Tout comme ils me gèrent au quotidien, il faut savoir que mon tuteur légal est Eric Digaire, le bassiste. [rires]

Pour le live c’est différent, parce qu’il faut savoir respecter les anciens morceaux, que ce soit pour le groupe, les anciens musiciens et bien sûr le public. Y a des choses que je me permets de réinterpréter, d’autres pas du tout. J’ai décidé humblement de ne pas réécrire le thème de Lambé. [rires] Mais je suis assez content de voir qu’il y a une continuité en live, les anciens titres et les nouveaux se mélangent assez bien sur scène.

Vous avez écrit pour deux publics différents. Est-ce qu’on parle de la même manière à la jeunesse de 1998 et à la jeunesse de 2017 ?
Eric : Alors déjà, la jeunesse de 2017 se défonce pas pareil. [rires] C’est vrai ! On sait qu’il faut qu’on renouvelle, qu’on reconquérisse à chaque album le public, ça c’est une évidence pour nous. Donc on a retrouvé les anciens qui nous suivent depuis le début, ceux qui nous suivent depuis le 3e ou le 4e album, et une nouvelle génération qui vient, les petits frères, les enfants… Et c’est vrai qu’en ce début de tournée des festivals, on a l’impression que la jeunesse fait des festivals une énorme récréation. On avait pas souvenir de lâcher prise aussi flagrant chez les jeunes. Bon après on est peut-être devenus des culs-serrés de vieux cons ! [rires] On verra quand on aura enquillé les 27 festivals, et si aux Vieilles Charrues on verra encore des milliers de Pikachu ou d’Obélix. Ils ont l’air de pas beaucoup dormir et d’avoir les poches pleines de tickets-boisson ! [rires]

Et ces Pikachu, pour leur parler maintenant c’est du numérique… Vous avez très vite pris le pli, on a vu que vous êtes sur Instagram, vous avez une chaîne Youtube…
Manu : On s’est cotisés, on a acheté un Minitel. [rires] Non mais y a pas le choix aujourd’hui ! Il faut le prendre de façon à s’amuser un minimum.

Eric : Soit on s’en occupe directement, soit parfois c’est le management qui publie, mais c’est toujours en accord avec nous. Mais c’est une force aujourd’hui pour les musiciens, ce côté instantané. T’as pas besoin d’avoir un média qui te suit pour créer, que le public te suive. On a pris la décision de s’en amuser et de voir. C’est paradoxal, t’as pas le temps de sortir de la douche à la fin d’un concert qu’il y a déjà des retours. Pour le moment on s’en sort bien parce qu’on a pas de haters ! Mais oui le côté dialogue permanent c’est nouveau pour nous par rapport à il y a 15 ans. Dès qu’on poste quelque chose, une annonce de concert, un morceau, il y a des échos tout de suite. Mais pour le moment c’est toujours positif, les gens sont contents de nous revoir, on a des messages parfois très touchants. De temps en temps quelques « hé mais pourquoi vous jouez pas tel titre » mais ça se régule par ceux qui suivent. Je sais que certains groupes en ont souffert, parce que parfois des gens vont donner des avis sans même prendre la peine d’écouter de ce que tu passé du temps à produire, mais pour le moment pour nous ça se passe bien. On remercie beaucoup le public pour ça, ils donnent leur avis de façon généreuse et gentille, et on l’espère sincère.

Quels sont les choses qui vous ont interpellé ces dernières années, et que vous aviez envie d’aborder avec Plates Coutures ?
Eric : On a toujours fait attention à ne pas tomber dans le prosélytisme ou la démagogie, et à être des témoins du monde dans lequel on vit. Donc on a toujours essayé d’être attentifs à ce qu’il se passe autour de nous, et à le retranscrire du mieux qu’on pouvait. Il y a des chansons qui ont plus de fond, d’autres sont plus poétiques. Le fil rouge, c’est l’envie de livrer un instantané. Quand on a travaillé sur cet album, on a discuté politique, et on s’est retrouvés sur ce raz-le-bol de devoir constamment choisir entre la lèpre et le choléra. On estimait tous que ces gens-là ne sont même pas dignes de nous représenter et que ce sont des shootés du pouvoir qui font n’importe quoi pour avoir leur dose, et c’est devenu Marée haute.

Après on a pris dans la gueule les attentats, la montée de l’intégrisme… Certains thèmes ont été abordés dans l’album parce que Stan est capable d’écrire des textes qui sont des propos communs au groupe, sans en faire une espèce de chape de plomb qui tombe sur la gueule de tout le monde. Certains thèmes ont donné la couleur de l’album dans le fond, et nous on s’est attachés à leur trouver une forme. Un titre comme Nous y sommes ne pouvait pas prendre la forme d’une ballade. Comme Stan le dit, faut vivre des choses pour avoir des choses à raconter, donc on vit des trucs les yeux ouverts.

En parlant de Marée Haute, une loi sur la moralisation de la vie politique arrive… C’est bon signe ?
Tous les trois : On n’y croit pas du tout. [rires]
Manu : Regarde le discours d’investiture, l’entrée sur scène du nouveau président, la marche qu’il a faite. Qu’est-ce que tu veux qu’il y ait de plus kiffant dans sa vie ? C’est un gamin, je dis ça parce qu’on est plus vieux, et imagine, il déboule et paf, il est président de la République. C’est une drogue, ce truc. Bien sûr qu’il faut essayer d’assainir, mettre des nouvelles, têtes, vérifier ce qui est fait pour obtenir des accointances, un nouveau poste… Mais on n’y croit pas, là. Y a un truc qui s’appelle la loi. Moral ou pas moral finalement on s’en cogne, ce qui serait bien c’est qu’ils respectent les lois.

A propos d’une autre loi… Je pense à L’apologie. On est en 2017, quelle est votre position sur la dépénalisation aujourd’hui ?
Eric : On n’a jamais prôné ni dépénalisation ni légalisation. On a fait une chanson dans un album, jamais sorti en single, le public se l’est accaparée et c’est devenu un moment fort du live, c’est vrai. Mais ça reste seulement notre avis à nous que de ce côté-ci de la Méditerranée, quand on fume un joint on est un voyou, un rebut de la société, et quand on traverse la mer c’est pas exactement vu pareil. C’est toujours d’actualité parce qu’aujourd’hui encore on peut se gorger de café, d’alcool, de cigarette, mais si on a un bout de shit dans la poche c’est inadmissible. C’était pas un appel à quoi que ce soit, juste un pavé dans la mare.
Benoit : On sait que le tabac tue…
Eric : L’alcool tue.
Manu : Et la charcuterie aussi. [rires]

Que représente la musique pour vous ?
Eric :
Une évidence. On s’est pas posé la question, quand on était petits on voulait faire de la musique et on en a fait. Un métier-passion !
Benoit : C’est aussi de la communication, du lien social… Je crois que pour qu’un musicien réalise à quel point la musique est importante dans sa vie, il faut qu’il arrête d’en faire.
Manu : On en créé, on en joue, on en discute. C’est ma passion, mon métier, mes emmerdes, mon gagne pain. Mais toi aussi Eric Digaire tu es ma passion, tu es mon tout, tu es mon roi. [rires]

Beatles ou Rolling Stones ?
Benoit : Les deux mon capitaine !
Eric : Les Stones c’est l’un des meilleurs groupes de baluches ! Les Beatles pour leur liberté, même si des fois c’est un peu chiant.
Manu : Led Zep.

Merci à Matmatah pour leurs réponses et bonne route à eux !

Plates Coutures est sorti le 3 mars 2017 (écouter – commander)
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Propos recueillis par Marine Pellarin et Ugo Schimizzi
Photos : Ugo Schimizzi

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