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Interview de Mass Hysteria (Octobre 2012)

Mass Hysteria tient bon la barre. Critiqué à l’occasion de ses travaux plus expérimentaux et éthérés, le groupe est revenu depuis quelques années à ses inspirations d’origine. Auteur d’un metal fédérateur et efficace, le quintet livre avec L’Armée des Ombres le dernier volet d’une « trilogie » enregistrée aux côtés de Fred Duquesne. Explications avec Yann (guitare) et Raphaël (batterie).

Mass Hysteria est de retour avec un nouvel album, L’Armée des Ombres. Le groupe livre ici un disque plus sombre et engagé, parfaitement inscrit dans l’air du temps en ce qui concerne le message. Comment avez-vous abordés ce septième disque ?

Yann : Le visuel de ce disque est très noir, et je pense qu’il donne un côté sombre à l’album. Les compositions sont plus « metal » et énervés, mais en termes de paroles L’Armée des Ombres s’inscrit parfaitement dans la continuité de son prédécesseur. Les textes sont cependant très réalistes et directs par rapport au monde actuel. Je pense que l’artwork influence peut-être un peu l’avis des gens sur la teneur de ce disque.

Raphaël : « World on Fire » sur Failles était déjà un morceau engagé, de même que « Babylon » sur Une Somme de Détails. L’Armée des Ombres présente malgré tout un discours encourageant, Mouss use d’ailleurs pour la première fois de son slogan d’entrée de jeu sur « Positif à Bloc ».

Yann : Mass Hysteria prend aussi de l’âge. Les temps changent, et pas forcément de la bonne manière. On essaye malgré tout de positiver face à un monde qui devient un peu barbare.

Mass Hysteria semble avoir parcouru un bon bout de chemin entre l’album noir, plus introspectif et personnel, et L’Armée des Ombres, qui se profile presque comme un « cri du peuple ». Au vu du contexte actuel, est-ce que le rock’n’roll doit se positionner un art de la résistance ?

Raphaël : Sans s’inscrire dans une démarche punk, le rock’n’roll doit redevenir un peu « dangereux ».

Yann : J’écoute et j’aime certaines choses en matière de rock actuel, mais j’ai également le sentiment que c’est un peu trop propret. Ce qui cartonne en ce moment, comme Black Keys, reste peut-être trop sage, même si la musique est très bien construite et que le groupe se montre excellent en concert. Le côté « image » est important, mais j’ai l’impression que ca vient occuper une place trop importante. Dans l’ensemble, je trouve que la scène actuelle manque de niaque, d’un poil de rébellion. Peut-être a-t-on besoin qu’un groupe américain arrive sur le devant de la scène avec un discours engagé pour que le rock français reparte dans cet esprit. Quand Rage Against The Machine a débarqué au début des années 90, ils ont profondément changé le paysage musical.

La scène américaine doit-elle forcément servir de moteur pour les artistes français ?

Raphaël : Peut-être. A titre personnel, je ne suis absolument pas influencé par la scène française. Trust, Bérurier Noir ou encore Lofofora m’ont marqué à l’époque. Ce qui se fait aujourd’hui ne m’intéresse pas vraiment. Pourtant, il y a de très bons groupes, qui proposent de la musique extrêmement pointue.

Yann : Il ne s’agit pas ici de critiquer, je pense que la musique actuelle répond aux exigences du système. Si une grosse locomotive US débarque en France, elle va entrainer une foule de groupes français dans son sillon. C’est ce qui s’est passé avec la vague Korn et Deftones. Mass Hysteria a énormément bénéficié à l’époque de l’explosion de la scène américaine. Le metal existe, le succès du Hellfest est là pour en témoigner, mais il se développe en « sous-marin ». Aucun média n’est là pour soutenir le genre, on nous ferme plus les portes qu’autre chose.

Raphaël : Par contre, si un gars va détruire des tombes et porte un t-shirt de Slayer, les magazines vont en faire leurs gros titres. C’est difficile de développer ce genre de musique en France. Si un extrait d’un groupe de metal passe au cours d’une émission de télé, on ne loupe jamais le présentateur ou le mec qui se met en transe et qui adopte une attitude de guignol. Le genre est malheureusement ultra-stéréotypé, et n’est pour beaucoup que du bruit. Ca reste pourtant de la musique complexe qui demande une certaine technicité, et beaucoup d’efforts.

L’Armée des Ombres reste particulièrement cohérent avec Failles et Une Sommes de Détails. L’ensemble s’écoute comme un bloc, ou une trilogie…

Yann : Tout à fait. L’unité vient aussi du fait que l’ensemble a été produit par Fred Duquesne. Au vu du travail qu’il a fourni sur L’Armée des Ombres, il n’est pas impossible que cette collaboration se prolonge au-delà de ces trois albums.

Que pensez-vous avoir apporté de plus à ces nouvelles compositions par rapport à ce que vous aviez pu écrire sur Failles ?

Raphaël : L’album est plus compact, il s’écoute d’une traite. Sur la fin de Failles, je pense qu’il y a deux ou trois titres moins costauds. L’Armée des Ombres passe tout seul, sans cassure. Le disque est mieux structuré.

L’album est en effet relativement monolithique. Un titre comme « Raison Close » impose pourtant un mid-tempo plus appuyé, et s’inscrit comme une « légère » respiration au milieu des compositions très « metal »…

Yann : le titre se détache en effet en ce qui concerne l’ambiance et le tempo. J’adore le texte de Mouss, il a abordé le chant de manière un peu différente. J’aime ce morceau, mais nous ne le jouerons probablement pas en concert, il plomberait le set qui est davantage axé sur des morceaux pêchus.

Raphaël : Parmi les morceaux « lents » que nous avons composés, « Raison Close » est probablement mon préféré. Mais en effet, ce n’est pas véritablement un titre live. Il est très bien sur album, mais il s’agit d’un morceau à écouter chez soit. Tous les groupes ont le leur, à commencer par AC/DC avec « Touch Too Much ».

Deux compositions sont par ailleurs réservées uniquement à l’édition Digipak, dont le très bon « Soyez-vous-même »…   

Yann : C’est un concours de circonstances. Nous avons livrés notre tracklisting, et la maison de disque a fait le choix après coup de faire sauter deux morceaux sur la version standard afin de les réserver au tirage limité. Pour être tout à fait franc, nous aurions peut-être choisis d’autres pistes. Les choses se sont fait rapidement, la sortie avait déjà été fixée et il était impossible de changer l’ordre du mastering.

 

Mass Hysteria

Les premières annonces sont tombées à peine deux ou trois mois avant la sortie du disque. Il semble en effet que le délai entre la fin de l’enregistrement et la sortie de L’Armée des Ombres ait été réduit au maximum…

Mass Hysteria a signé sur un nouveau label, et comme Failles datait déjà de trois ans, nous ne voulions pas perdre de temps inutilement. Il faut aussi répondre à des exigences de planning. Il a cependant été réfléchi bien en amont, nous avons pris le temps nécessaire en ce qui concerne l’écriture.

Raphaël : L’actualité de Mass Hysteria a été particulièrement chargée ces dernières années, notamment en matière de concerts. Nous avons également préparés notre premier DVD live. Nous avons attaqués le travail sur L’Armée des Ombres fin 2011. Nous sommes aussi à une époque ou ne nous pouvons plus nous permettre de nous faire oublier. Pour De Cercle en Cercle et l’album noir, nous avions planifiés la composition sur de plus longues périodes, même si ce n’était pas vraiment volontaire. Aujourd’hui, il faut revenir sur le devant de la scène rapidement.

Depuis le premier album, la « touche » Mass Hysteria réside dans son habilité à allier la puissance des guitares au côté dansant des samples électroniques. Suite au départ d’Olivier Coursier, personne n’a repris cette fonction au sein du groupe. Comment avez-vous procédés pour L’Armée des Ombres ?

Yann : C’est Olivier lui-même qui s’est chargé des machines pour ce nouveau disque. Nous sommes restés en très bons termes avec lui. Sur Failles, Julien avait assuré l’intérim. C’est quelqu’un qui avait notamment bossé avec Sinclair. Pour L’Armée des Ombres, nous ne savions pas véritablement à qui faire appel. Nous avons naturellement frappés à la porte d’Olivier. Son travail est vraiment extrêmement bon, il a sublimé les morceaux.

En tant qu’ancien membre, quel regard a-t-il porté sur vos derniers travaux ?

Il a vraiment aimé le disque. Bien qu’il joue dans AaRON, Olivier écoute toujours du metal. Il suit Mass Hysteria avec attention. Je sais qu’il apprécie nos derniers albums et qu’il considère L’Armée des Ombres comme l’un de nos meilleurs travaux.

Raphaël : Parmi nos proches, beaucoup de monde semblent avoir le même avis. Nous avons certains anciens fans qui reviennent désormais vers la musique du groupe.

Yann : L’évolution a été progressive. Mass Hysteria s’est relevé avec Une Somme de Détails. Même si j’adore l’album noir, les gens ont mal compris ce disque, en grande partie parce que nous avions fait de mauvais choix en ce qui concerne la production. J’ai du mal à écouter cet album, pourtant j’adore les morceaux. Nous avions déjà approchés Fred Duquesne à l’époque, je regrette toujours de nous n’ayons pas pu concrétiser cette collaboration. Mass Hysteria avait besoin de marquer son retour, et nous avons regagnés notre place avec Une Somme de Détails et plus particulièrement Failles. Il fallait enfoncer le clou. Failles était gros, L’Armée des Ombres devait l’être encore davantage. Nous avons vraiment travaillés sur le son avec Fred. Le public répond de plus présent, en une semaine nous avons vendus environ mille disques de plus que Failles sur la même période. Au vu de la situation actuelle, c’est vraiment positif.

Mass Hysteria abordait déjà la fusion des styles au début de sa carrière en greffant des samples à une musique rock plutôt martiale. Quel est votre avis sur les expériences metal et dubstep qui semblent se multiplier depuis quelques temps ?

J’ai été scotché par le premier morceau de Korn, « Get Up ! ». Sur l’album en lui-même, je trouve qu’ils se sont perdus. Le dubstep existe depuis des années, il n’arrive pourtant qu’aujourd’hui sur le devant de la scène avec Skrillex, un musicien qui est d’ailleurs issu de la scène metal – Sonny Moore est l’ancien chanteur de From First to Last -. Il fait de la musique ultra-efficace, notamment en y apportant le côté pêchu du rock’n’roll. Personnellement, je trouve ce style musical plutôt intéressant, même s’il a un peu tendance à se mordre la queue. Rien ne vaut les bons vieux classiques en matière d’électro. J’ai assisté il y a peu à un concert des Chemicals Brothers, c’était puissant. Mais le Zénith de Skrillex était également énorme.

Les musiciens de Mass Hysteria approchent désormais plus ou moins de la quarantaine. Comment expliquez-vous votre longévité ?

Par la passion. On ne se pose pas vraiment de questions, nous ne trainons jamais la patte pour partir en concert. Nous avons la même excitation lorsqu’il s’agit de partir en tournée, l’ambiance est toujours la même dans le camion.

Raphaël : Sur scène, j’ai l’impression que rien n’a changé entre nous depuis quinze ans. J’aime ça de plus en plus, construire ce mur de son tous les soirs.

Yann : Nous avons la chance de pouvoir continuer. Même si le disque s’écoule plutôt bien, nous sommes désormais obligés d’avoir d’autres activités professionnelles en parallèle. Nous avons vécus uniquement de Mass Hysteria pendant plusieurs années, donc nous sommes toujours motivés quand il s’agit de charger le camion pour repartir sur la route. C’est presque un exutoire. Ce qui se dégage de Mass Hysteria sur scène, c’est aussi cette rage et cette envie de continuer autant que possible.

Raphaël : Nous revenons d’une séance de dédicace, une fille de vingt ans nous a demandé une dédicace pour son père. Voilà ce qui nous fait continuer. Mass Hysteria touche désormais plusieurs générations. Certains fans de la première heure sont toujours là, et on voit de plus en plus de gamins qui n’étaient même pas nés au moment de la création du groupe.

Yann : J’ai 38 ans, tu peux encore m’en mettre pour 10 ans. Mass Hysteria est un couple de cinq personnes.

Vous fêterez cette longévité l’année prochaine sur la scène de l’Olympia. Pour Mass Hysteria, c’est une revanche par rapport à ce concert que vous aviez donnés sur cette scène lors de la tournée de l’album noir ?

Exactement. On nous avait un peu forcés à jouer à l’Olympia pour le Europe 2 Campus Tour. C’était une période ou notre public initial ne nous suivait plus véritablement. Nous avions fait à peine 1000 entrées, c’est le nombre de préventes que nous avons actuellement alors que le concert n’est programmé que l’année prochaine. Pour notre premier Olympia, un humoriste était en représentation à côté. Nous n’avions pas eu l’occasion de pousser le son comme nous l’aurions souhaité.

Raphaël : Je ne garde pas un très bon souvenir de ce concert. L’Olympia, c’est très « washi-washa ». Tout le monde trouve extraordinaire que tu puisses jouer dans cette salle mythique. On me parlait sans arrêt de « l’âme » de cet endroit, personnellement je vois surtout que des artistes comme Annie Cordy se sont aussi produits ici.

Yann : Et puis jouer avec Melatonine et Vegastar, ce n’était pas véritablement cohérent avec notre musique, même si nous apprécions les musiciens, Vince étant d’ailleurs aujourd’hui à la basse dans Mass Hysteria. Cet Olympia en 2013 sera une bonne revanche.

Merci à Raphaël et Yann. A Alexis ainsi qu’à Sarah chez Verycords.

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