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Chronique du film documentaire « Liberation Day »

Vous ne connaissiez pas Laibach ? Moi non plus. D’abord attirée par le pitch de ce documentaire joliment appelé « Liberation Day » : « Le groupe de rock culte Laibach fait face aux règles strictes de censure de la Corée du Nord afin de jouer pour les Nord-Coréens. », je me suis dit que ce film devait être cocasse. Je me suis d’autant plus frotté les mains quand j’ai commencé à me renseigner sur la sulfureuse réputation du groupe Laibach. Un groupe de rock de musique industrielle, expérimentale et avant-gardiste slovène dit « fasciste » ou du moins se moquant ouvertement des codes des régimes totalitaires se retrouvant au sein-même d’une dictature militaire et totalitaire, voilà qui nous présageait de passer une très bonne soirée. Merci au festival CinEast (Festival du Film d’Europe Centrale et Orientale au Luxembourg) d’avoir pu nous faire découvrir ce document exceptionnel !

Le documentaire s’ouvre par une alternance d’images et de vidéos intéressantes. En effet, on retrouve des images rétrospectives sur l’histoire de la Corée du Nord et sur ce qui se passait au même moment dans nos pays occidentaux notamment en matière de musique. On voit le peuple nord-coréen acclamer Kim Jong-un et l’image suivante on retrouve Freddie Mercury au Wembley Stadium acclamé par un public en délire. Vous voyez le point commun ? Ce n’est pas la première fois que la musique est comparée à de la politique, mais ici elle prend aussi toute sa dimension religieuse. Il y a une adoration telle que le parallèle est vite établi : les demi-dieux David Bowie, Freddie Mercury et Kim Jong-un sont tellement adulés que les femmes et les hommes en tombent en pâmoison, que cela soit dans un stade ou sur la très vaste place Kim Il-sung d’ailleurs !

Autant vous dire que nous comprenons la démarche de Morten Traavik, le co-réalisateur et instigateur en chef de ce projet pharaonique, qui en plus ne débarquait pas complètement en terre inconnue. Ces dernières années, cet artiste norvégien a voyagé une quinzaine de fois dans le royaume du Juche jusqu’à rentrer dans les bonnes grâces – même si j’imagine que cela reste une notion toute relative là-bas – du Comité des Relations Culturelles Internationales de la République Populaire Démocratique de Corée. On comprend très vite que c’est bien lui le personnage principal du film, le groupe Laibach restant assez en retrait durant toute la durée du documentaire. Traavik enchaine ici les rôles de médiateur, de directeur artistique, de guide touristique, de photographe et aussi de narrateur.

Morten Traavik au premier plan avec le groupe Laibach à Pyongyang

Traavik, en fin connaisseur des mœurs et psychologies locales, n’hésite pas à fournir les bonnes explications au bon moment à toutes son équipe. Notamment lors de grands moments absurdes où le groupe fait face à tout l’anachronisme entre les moyens techniques nécessaires pour leur show et les moyens disponibles dans la plus grande salle de spectacle de Pyongyang. Ici Traavik nous indique qu’aucun Nord-Coréen ne prend de décision seule : chaque personne s’assure auparavant de bien avoir l’aval de tout le groupe, afin de répartir la responsabilité et aussi les conséquences de ses actes le cas échéant.

Inutile de dire qu’il pèse tout le long du film une ambiance assez lourde, malgré les moments très drôles. On ne peut s’empêcher d’avoir peur que les choses se passent mal finalement. Au fond, on a vu des personnes se faire incarcérer en Corée du Nord pour moins que ça. La pression liée au régime ne descend jamais totalement. Sans vous raconter tous les moments assez intenses, notamment ceux avec le comité de censure omniprésent, on peut cependant regretter de ne pas avoir beaucoup d’images du concert du groupe Laibach en lui-même. (Car oui le concert aura bien lieu !) Malgré cela vous adorerez les visages du public local où se mêlent l’incompréhension, la peur, la surprise et l’étonnement sur fond de musique rock. Vous adorerez aussi les images rares de la Corée du Nord illustrant ce documentaire et le quotidien des autochtones.

 

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